
Il faut que tout change pour que rien ne change.
On n’hérite vraiment que dans le déplacement du legs. La passivité est une trahison.
C’est de cette manière, ouverte, dynamique, processuelle, que Lynn Holstein a abordé la diversité des pratiques artisanales en Israël.

Son livre, accompagné de photographies de Baruth Rafic et Oded Balilty, est une splendeur, Artisans of Israel, Transcending Tradition (arnoldsche ART PUBLISHERS, 2017). Il doit être connu et circuler, c’est indubitablement, par sa densité de sensibilité, un vecteur de paix.
Nous sommes à Tel Aviv-Jaffa, à Jérusalem, à Ashkelon, à Haïfa, à Nazareth, et dans un grand nombre de villages où des artisans d’aujourd’hui enchantent par l’excellence de leur métier un quotidien sous tension.

Donner à voir la présence d’un peuple par les objets d’art qu’il façonne est une ambition qui réjouit.
Dans ce livre, ils sont quarante, travaillant le métal, le bois, le tissu, le cuir, la pierre, le papier, l’osier, le savon.

Ils sont luthiers, éditeurs, joailliers, céramistes, couturiers, et offrent à Israël une identité qui n’est pas strictement religieuse, en pariant sur la beauté, qui unit, et le dépassement, par l’intelligence de la main, des clivages politiques.
Lynn Holstein aborde Israël, non par le fantasme d’une identité figée, mais comme territoire d’innovation.
Artisans of Israel est donc un éloge de ces hommes et femmes, souvent primés à l’étranger, et parfois méconnus en leur propre terre, façonnant l’image d’un pays multiple, juif, musulman, druze, chrétien, bédouin.

Quarante artisans, comme autant de parcours singuliers, comme autant de leçons d’histoire, comme autant de passions construisant des chemins d’avenir.
Tous détiennent par leur désir obstiné de progresser dans leur art des secrets d’endurance et d’inventivité qui touchent au suprême.
Ils manient le feu, l’enclume et le marteau, et des multitudes d’outils échappant à la nomination pour le profane qui les contemple.
Les mains et les yeux pensent, mais aussi tout le corps, qui se souvient, qui de l’Arménie, qui du Yémen, qui de l’Ethiopie, qui de la Toscane, qui de l’Ukraine, qui de la Pologne.
Ils viennent de loin, sont des enfants de migrations, et ont trouvé en Israël un lieu de syncrétisme où développer leur art.

Artisans of Israel est une utopie concrète, le mystère d’une rencontre entre une histoire singulière, la passion pour un métier, une matière, un outil, et une envie indéracinable de témoigner au plus haut de sa présence en une terre de conflits, mais surtout de grande fécondité.
Ils s’appelent Vered Babai, Doreen Mirvish Bahiri, Shirly Bar-Amotz, Ben Zion David, Zenab Garbia, Gali Cnaani, Irit Dulman, Moshe Roas…, et l’on peut chercher à les rencontrer, d’une façon ou d’une autre.
Lynn Holstein, Artisans of Israel, Transcending Tradition, photographies de Baruth Rafic et Oded Balilty, textes de Lynn Holstein et Ezri Tarazi, traduit en hébreu par Galia Vurgin, et en arabe par Dr. Basilius Bawardi, arnoldsche ART PUBLISHERS (Stuttgart, Allemagne), 2017