
Les Editions de Juillet publient conjointement dans leur belle collection de livres cartonnés de petit format consacrés aux villes, Saint-Nazaire, un voyage immobile de Laure Bombail (texte de Jean-Bernard Pouy), et Farewell Cape Town, de Benjamin Hoffman (texte de Sophie Bouillon).
Le premier est composé dans une palette de couleurs très douces, le second est dans un noir & blanc gorgé de soleil, et d’inquiétude.

A Saint-Nazaire, Laure Bombail découvre une ville qui pourrait être normande, l’abordant quelquefois comme Aki Kaurismäki filme Le Havre.
C’est sous son regard une ville d’angles que la tendresse des ciels émousse.
Une ville de solitudes et d’accueil.

Une ville protégée de la morsure du temps, acceptant cependant les signes de la modernité – vaste terrain de jeu naturel pour les élaborations graphiques discrètes des amis de Peter Downsbrough.
On y marche beaucoup, on y dérive, on est le personnage involontaire d’un tableau romantique, ou impressionniste.
Le sfumato y est une pudeur, une délicatesse de brume levée pour protéger les rêveurs.

Le port y est central, c’est sa raison d’être.
Saint-Nazaire est une possibilité d’embarquements, cachant bien souvent sous la virilité de son béton et la fonctionnalité froide de ses structures de transit des trésors d’attention à l’autre, l’ouvrier, le frère de galère, l’exilé.
Surréalisme ordinaire des situations, drôlerie des vivants, clownerie de l’existence, absurde beckettien.
Saint-Nazaire est une ville de philosophes modestes, dockers, patrons de bar, travailleurs de l’industrie navale.
« Et surtout, écrit Jean-Bernard Pouy, une ville où personne ne baisse jamais les bras. On y lève plutôt le coude. Mais pas de discours totalitaires, la plupart des bistrots et des rues de Penhoët ont des noms d’aviateur. »

Changement d’atmosphère avec Farewell Cape Town de Benjamin Hoffman et de la journaliste indépendante Sophie Bouillon.
Au Cap, en Afrique du Sud, où les cicatrices et les effets de l’Apartheid sont encore quotidiennement visibles, il ne s’agit pas de s’enchanter d’un monde nouveau se construisant à peine, mais d’accueillir modestement, dans la mélancolie, la rage et les difficultés, les joies et les détresses de chaque jour.
La mer y est parfois violente, ou d’une texture d’huile, c’est une psyché liquide.

Grâce d’une danse au coucher du soleil, d’un enfant à cheval sur le bord de mer, d’un nuage.
Tension des visages, violences sourdes, rêveries inquiètes.
Sable et océan, poussières et ciels immaculés, jeunes corps et férocités d’adultes.

Farewell Cape Town est un chaudron, une matrice, une marmite multiculturelle.
On y étouffe, on s’y drogue de modernité, on s’y cache, on y rêve de fraternité et d’amour.
L’humanité qu’y rencontre Benjamin Hoffman est complexe, turbulente et joueuse plus que résignée.

C’est le monde Noir, splendide et blessé, agressif et survivant, agressé et barricadé en ses mondes intérieurs.
Voici avec Laure Bombail et Benjamin Hoffman deux sensations de villes, deux errances, deux façons d’entrer dans le labyrinthe des villes et de chercher la juste distance.
Laure Bombail, Saint-Nazaire, un voyage immobile, texte de Jean-Bernard Pouy et Laure Bombail, Les Editions de Juillet, 2019, 76 pages
Benjamin Hoffman, Farewell Cape Town, texte de Sophie Bouillon, Les Editions de Juillet, 2019, 76 pages

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