PAY HER, ce que le genre fait à l’image, par Mimiko Türkkan, photographe

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© Mimiko Türkkan

Je me garderais bien de faire des pronostics et analyses hâtives des tendances photographiques à Paris Photo, mais, je sais que, loin du tumulte, rue de Rivoli, une artiste de grand talent, Mimiko Türkkan, invitée par la galeriste et commissaire d’exposition Barbara Polla, montrait son travail dans le Off.

D’origine turque, née en 1984, Mimiko Türkkan est l’auteure d’une œuvre interrogeant la notion des identités de sexe et la question du voyeurisme, sans a priori moral ou volonté de culpabiliser qui que ce soit.

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© Mimiko Türkkan

Qui regarde qui et pourquoi ? qui désire et dévore qui ? quels sont les pouvoirs – de fascination, de déconstruction, de révélation – de l’image ?

Dans une série intitulée Pay Her(e), la jeune artiste photographie, entre désir personnel et distance critique, un strip club, les couloirs, les vestiaires, la scène, et surtout le corps des femmes vrillé autour d’une barre de pole dance.

Les danseuses ont la peau fatiguée, abîmée, blessée.

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© Mimiko Türkkan

Il y a des rougeurs causées par les frottements.

Il y a beaucoup de travail, des entraînements, la conscience d’une performance physique à accomplir à la perfection.

Il y a peut-être aussi de la misère (métaphore de la viande saignante, des os, des déchets) ou de l’exploitation, mais là n’est pas le propos – qui peut Juger totalement ? On pense ici au fameux ouvrage de Susan Meiselas, Carnival Strippers, enquête sans moraline dans le monde des strip-teaseuses.

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© Mimiko Türkkan

Aux certitudes de la bien-pensance, Mimiko Türkkan préfère la fécondité de la dialectique, faisant tournoyer les polarités sujet/objet, voyeur/exhibitionniste, sadique/masochiste, mais sans fausses illusions sur la marchandisation des corps : quel est le prix d’une femme à New York, à Londres, à Kiev, à Istanbul ?

Quel prix accepterai-je si l’on me propose de poser pour un magazine de charme ?

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© Mimiko Türkkan

Les talons aiguilles sont des pointes de désir plantées dans les yeux des spectateurs(trices).

Défilé des mini-jupes et des jambes interminables, mais n’oubliez pas, messieurs, que les culottes qui vous excitent se tachent aussi du sang menstruel.

Sur une porte : « No prostitutes at this address ».

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© Mimiko Türkkan

A qui donner la main dans la nuit ?

De façon récurrente, Mimiko Türkkan photographie son visage, très beau, témoignant d’une force d’altérité à soi-même.

A quel moment s’unifie-t-on ?

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© Mimiko Türkkan

Les mains se glissent entre les jambes, mais la jouissance n’est-elle pas une puissance de dispersion dans le rassemblement même du corps et de l’esprit ?

L’œil est aux aguets, scrute, plie devant le plaisir.

La courbe d’un dos, un harnachement sexy.

Alternance de la couleur et du noir & blanc.

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© Mimiko Türkkan

Des lits, des draps froissés, une main en gros plan comme une patte de poulet – humanimalité, écrirait Michel Surya.

Les efforts de beauté sont-ils le masque d’une grimace plus fondamentale ?

Est-ce pour cela qu’il faut pointer vers soi régulièrement le boitier de mélancolie, pour arrêter un instant de flotter dans le doute ?

Pour évoquer sa pratique photographique, Mimiko Türkkan parle de « désinvolture contrôlée ».

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© Mimiko Türkkan

Le hic et nunc l’air de rien plutôt que les lourdeurs du qui.

Un chat s’est perdu, un oiseau est mort sur le macadam, écrasé depuis longtemps.

La peau est à vif.

Goutte d’un piercing sur le bout de la langue.

Une jeune femme jette son bras dans le noir.

C’est un appel, le début d’une danse, et c’est une détresse, un besoin d’amour.

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© Mimiko Türkkan

Mimiko Türkkan présente son travail à l’Off de Paris Photo P/CAS – du 7 au 11 novembre 2019 (commissariat Barbara Polla)

Site de Mimiko Türkkan

Galerie Analix (Genève)

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Barbara Polla dit :

    ❤️❤️❤️

    >

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