Faire revenir la lumière, par Vincen Beeckman, photographe

Réalisé entre février 2019 et février 2020 au centre d’accueil d’urgence du Petit Rempart, le fanzine éponyme que publie Camille Carbonaro (Macaronibook) est un ouvrage de grande humanité, dont les photographies et textes sont de Vincen Beeckman, ex-inlassable animateur du centre d’art de Molenbeek, Recyclart.

Mis en œuvre par le Samu social, Le Petit Rempart, situé en plein cœur de Bruxelles, est un centre d’hébergement ouvert non-stop, proposant aux résidents un dispositif d’accompagnement psychosocial afin de favoriser une possible sortie de la rue et des logiques de précarité.

Soucieux de ne jamais séparer ses engagements artistiques de la réalité des plus démunis, et de ne surtout pas cliver, Vincen Beeckman ne photographie pas les gens, mais avec les gens.

L’ambition est ici de témoigner de la réalité de l’exclusion et de la souffrance sociales, de rétablir en images chacun dans sa dignité quelquefois bafouée ou déniée par le regard des plus chanceux.

Vincen Beeckman ne cache rien, sachant préserver la pudeur de ses infortunés modèles, et leur beauté malgré les coups reçus, l’épuisement, la désespérance, l’égarement.

Publié avec beaucoup de délicatesse, car le geste précis et doux relève aussi du soin, Le Petit Rempart participe d’une prise de conscience de la situation des plus vulnérables, sans aucun misérabilisme ou pathos appuyé.

Non, Le Petit Rempart est une poignée de mains, un échange vrai, une possibilité d’être ensemble dans la différence absolue.

« Chaque fois que je viens, confie le photographe, c’est comme si rien n’avait bougé. Comme si j’avais fait Pause puis Play. Tout est calme excepté les enfants plus turbulents. La soupe arrive. C’est le repas. Les journées sont comme un recommencement permanent. Une sorte de longue attente. Quand il n’y a pas de mouvement la lumière s’éteint. On est tous dans le noir. Alors un se lève ou un autre. Il fait des mouvements avec ses bras. Le détecteur de mouvement réagit et la lumière revient. »

Faire revenir la lumière pourrait être la définition éthique de l’activité artistique de Vincen Beekcman, pour qui l’espoir est une donnée politique essentielle.

Les misérables d’aujourd’hui viennent de toute l’Europe, d’Afrique, du Moyen-Orient, sont épuisés, essaient de dormir dès que possible, parce que tout est si difficile, et qu’il faudra peut-être encore veiller tard certains jours de tourments.