Le blues, un art de vivre, par Erik Lindahl, photographe

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© Erik Lindahl

Blue Shots est le premier livre du photographe suédois Erik Lindahl.

Fruit de vingt-ans de voyages de l’autre côté de l’Atlantique, dans le delta du Mississippi, au Texas, en Louisiane, à Chicago et sur la Côte ouest, c’est un hommage au blues tel qu’il s’invente encore aujourd’hui, entre portraits de légendes vivantes (Muddy Waters, John Lee Hooker, Buddy Guy) et de nouvelles pépites (Junior Kimbrough, James « Tail Dragger » Jones, T-Model Ford).

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© Erik Lindahl

C’est un livre en noir et blanc, parce que le blues est né black, dans les champs de coton travaillés par des esclaves d’origine africaine, et, pour certains, imprégnés de vaudou.

Un livre d’atmosphère conçu par un passionné, né bien loin du Sud ségrégationniste, à Göteborg en 1952.

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© Erik Lindahl

Des concerts dans la rue, dans des bars, dans des bouges.

La musique n’attend pas qu’on lui accorde une date de programmation dans tel ou tel lieu de prestige, pour des festivaliers ou des pèlerins transis par l’émotion, elle se crée hic et nunc, parce qu’il faut crier tout de suite, parce que la vie est dure, parce qu’il y a du désir et de la fièvre, parce qu’il faut danser, se rapprocher, se frotter, parce qu’il faut exorciser le mal.

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© Erik Lindahl

Le blues se fout bien de l’archive, il est là, ou pas, « gorgé de funk, de swing, de soul et surtout d’authenticité et de sincérité » (Patrick Verbeke).

La folie rôde, comme l’affreuse mélancolie qui paralyse, il faut trouver une parade, une voie de sortir, un accord de guitare.

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© Erik Lindahl

Mettre le feu au désespoir, se souvenir que grandpa était un bagnard, déchirer le manteau de misère par un air de rage et de gloire.

Un air de terre, de sueur, de chaîne.

Un air de fleuve en crue, de départ, de samedi soir.

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© Erik Lindahl

Un air d’alcool de contrebande et de tripot.

Un air d’errance et de sexe.

Un air de bûcher et de corde solide.

Un air d’inconvenance.

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© Erik Lindahl

Les bluesmen qu’a rencontrés Erik Lindahl ont incontestablement la classe et la musique dans la peau, dans la gorge, dans les mains.

Ça danse jusqu’au bout de la nuit, ça s’autorise d’exulter dans la douleur du lointain souvenir de la matrice plantationnaire.

Guitare, harmonica, micro.

Cigarette, whisky, médiator.

Black is beautifull, assis sur une chaise avec chapeau de cowboy et cigare de boss.

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© Erik Lindahl

On ne sait jamais quand la transe peut partir, mais on l’attend, comme une libération.

La blues, musique d’ouvriers et de princes, de princes ouvriers, est un surgissement, une prière, une drague active, une célébration des forces de la vie, quand tout peine, tout crie famine, tout fuit dans le non-sens.

Les enfants apprennent en regardant leur père, les anciens, les corps soulevés des femmes mises en émoi.

Pas de distanciation sociale, mais la vie, bouillonnante, indocile, populaire et savante.   

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Erik Lindahl, Blues Shots, préface de Nick Tosches, editing Gösta Flemming, Johan Lindberg, design Johan Lindberg/John The Fisherman, Journal (Stockholm), 2008 – 1500 exemplaires

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