La photographie et la peste, par Brian Sergio, artiste philippin

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©Brian Sergio

On le sait depuis Pak ! (Dienacht Publishing, 2017), l’artiste philippin Brian Sergio n’est pas un tiède.

Son dernier essai publié chez le fameux éditeur de Leipzig, Dios Mio !, au titre toujours interjectif, est un livre inconvenant, inconfortable, plein de sexe brut, de pulsions inavouables, de cruautés vicieuses.

On peut avoir une lecture morale de cet opus, j’aurai plutôt une vision christique, christologique, ultra-catholique.

Celle d’un Christ de souffrance revenu parmi nous, d’une rédemption par le corps poussé dans ses extrêmes limites, d’un salut par le sacrifice et le martyre.

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©Brian Sergio

Un homme portant une couronne d’épines offre sa main pour qu’on la cloue, tandis qu’une femme suspendue par les pieds expérimente les subtilités torves du bondage shibari.

On est ici du côté du carnavalesque et d’un Mardi gras de luxure hyperbolique.

On dé-lire oui, on sort du rang, on s’extrémise, et on lie la jouissance à la contention.

Brian Sergio ne plaira pas aux ligues de vertu, quoique son travail soit d’une morale très spéciale, celle de l’honnêteté sans moraline.

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©Brian Sergio

L’animal n’est pas l’autre de l’homme, mais son double peut-être plus pur.  

Dieu est mort sur la croix, nous sommes sauvés, mais nous avons besoin de passer par le Diable pour nous en souvenir.

Je me demande ce qu’aurait pensé Pierre Guyotat d’un tel livre, et quel éditeur français se serait risqué à le publier.

En relisant Michel Surya, Principes pour une littérature qui empeste (Les Presses du Réel / Al Dante, 2021), je me dis que Brian Sergio apporte la peste, et qu’il est inassimilable, comme un rat, d’où sa force.

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©Brian Sergio

Le propre de l’écrivain, de l’artiste, n’est-il pas quelquefois, souvent, toujours, d’exprimer le sale – la beauté absolue est bien sûr au prix, terrible, de son franchissement – et de heurter qui ne veut surtout rien en savoir ?

Dios Mios ! sent la sueur, le foutre, les humeurs féminines, et l’impensé du capitalisme occidental.

Pas de compromis, ou très peu, mais une vision strictement pornographique outrepassant de très loin le spectacle des petits plaisirs onanistes véhiculés par les vidéos mainstream.

Brian Sergio est un artiste irrévérencieux, cherchant dans les contre-allées la possibilité de se confronter à la part maudite de la société.

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©Brian Sergio

On se souvient sûrement de la formule de William Blake à l’orée du livre éponyme de Georges Bataille : « L’Exubérance est Beauté. »

On est ici dans les lisières de l’anthropophagie, du vil et du sublime baroque malgré tout.

Dios Mio ! est un livre de jouissances par la souffrance et de consumation.

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Brian Sergio, Dios Mio !, Dienacht Publishing, 2021, 86 pages

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Dienacht Publishing

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©Brian Sergio

Brian Sergio

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©Brian Sergio

Lire ma chronique de Pak ! publiée le 11 juillet 2017

 

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