Forêt landaise, belle inconnue, par Bertrand Bouët-Willaumez

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©Bertrand Bouët-Willaumez

J’étais un idiot, je ne comprenais rien.

Je croyais les Landes monotones, ensommeillées, presque sans imagination en leur sérialité d’arbres se tenant comme au garde-à-vous, j’avais tort.

Il fallait pour me déciller un livre noble et beau, un hymne à la nuance et aux couleurs des saisons, un ouvrage d’éveil, agissant tel le coup de bâton du maître zen sur l’épaule du pratiquant avachi.

Il s’agit de Sous les pins, la lumière, du photographe Bertrand Bouët-Willaumez, installé depuis 2005 dans une ancienne épicerie  à Onesse-et-Laharie, ayant quitté Paris et ses atours trompeurs pour une femme aimée – trop vite décédée – qui lui fit connaître son pays.

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©Bertrand Bouët-Willaumez

Edité par Claude Nouri pour les éditions Contrejour, cet ouvrage peuplé d’arbres et de bruyères, de fougères et de matin d’aube, relève d’une expérience de l’esprit.

Les pins ont-ils sauvé le photographe endeuillé ? Il n’est pas impossible de le penser, si l’on considère qu’ici la vie est une présence manifestée en autant d’êtres qu’il y a d’intelligences végétales.  

Entre givre et soleil, entre sentiers et chemins de ciels, Bertand Bouët-Willaumez a appris à connaître la forêt landaise, à l’apprécier dans toute sa diversité, et à ne surtout pas la massifier dans une représentation univoque.

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©Bertrand Bouët-Willaumez

Le photographe s’est mis à l’écoute d’un monde sensible, bruissant de vérités multiples.

La féérie de détails en leurs points de surrection sauve de la pesanteur du mal.

« Bertrand Bouët-Willaumez, analyse le grand reporter et écrivain Jean-Paul Kauffmann, a photographié la forêt dans tous les sens pour en arriver à la conclusion suivante : la profonde diversité des Landes ne se voit pas, du moins pas immédiatement, car elle exige une technique d’approche, un apprentissage. Pour l’apprivoiser, il faut accomplir un travail sur soi-même qui consiste à s’affranchir d’une réalité visuelle. L’aspect extérieur dissimule un monde sensible que Bertrand Bouët-Willaumez se propose de dévoiler à partir de deux éléments essentiels, la verticalité et la lumière. Les deux sont intimement liées. »

Une forme d’ascèse est donc indispensable pour commencer à entrer dans le mystère des bois de pins dégageant une lumière spéciale, accentuée par le traitement fin opéré en postproduction par l’artiste.

Il y a des brumes, des poudroiements de particules lumineuses, une dilution de la matière dans le spirituel.

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©Bertrand Bouët-Willaumez

Au matin, les végétaux prennent feu sans se consumer, dont la métamorphose au fil des saisons relève pour qui s’en aperçoit vraiment du miracle.

Il y a des personnalités d’arbres, des isolés, des communautaires, des secs, des bavards, des mélancoliques, des vaillants capables de faire tourner à partir de leur faîte l’ensemble de l’espace.

On est en Chine, au Japon, avec les amis de Claude Monet, ou chez quelque peintre abstrait du Nord de l’Europe.

Bertrand Bouët-Willaumez compose, ordonne, fait silence.

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Tiens, voici un chevreuil, une silhouette, les phares d’une voiture dans le lointain.

Prière de ne surtout pas déranger, la forêt a ses raisons que la raison humaine ignore, il faut la laisser respirer à son rythme, inventer sa danse, ne pas troubler les interactions.

Le photographe l’observe avec beaucoup de pudeur, et une délicatesse n’en manquant pas la part de puissance sauvage sous l’apparence de la mise impeccable.

Les pins se balancent dans le vent de l’histoire, ils tiennent, ce sont des roseaux pensants.

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Pour le promeneur meurtri y ayant trouvé les bras d’un refuge à vie, « la forêt landaise, comme l’écrit  Jean-Paul Kauffmann, est consolante. »

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Bertrand Bouët-Willaumez, Sous les pins, la lumière, avant-propos de Robert Delpire, préface de Jean-Paul Kauffmann, postface de Claude Nori, éditions Contrejour, 2021, 96 pages

Editions Contrejour

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