©Simon Vansteenwinckel
Une dystopie ou une aube nouvelle ?
Un chemin de catastrophe ou un éveil spirituel ?
Durant le confinement, le photographe belge Simon Vansteenwinckel a ouvert une fenêtre sur le monde via Google Street View.
©Simon Vansteenwinckel
Son point de focalisation fut la ville Wuhan, au centre de la Chine, d’où l’épidémie, dit-on, était originaire – issue d’une arme chimique ayant échappé à ses inventeurs ?
« J’ai utilisé, précise l’artiste, de la pellicule Washi F, un film de radiographie médicale servant initialement à diagnostiquer les maladies pulmonaires. Par hasard, le flash de son appareil a fait apparaître un halo lumineux planant au-dessus de la ville et de ses habitants comme un astre observateur. »
Sous couverture plastifiée bleue, comme un masque à visière azuréenne, Wuhan Radiography, publié par les éditions Light Motiv (Eric Le Brun), est un voyage fantasmatique dans un espace urbain considéré généralement comme contaminé, voire maléfique.
©Simon Vansteenwinckel
Le grain de la pellicule évoque une pluie d’atomes, comme une poudre radioactive jetée sur l’ensemble du vivant.
Un soleil aveuglant explose sur la ville rhizomatique, les visages sont inquiets ou simplement absentés, Dieu est un virus couronné regardé comme un monstre.
Il y a des flaques humaines, une population rassemblée sur les rives du Yangtsé comme ailleurs on se baigne dans le Gange, des infrastructures puissantes et des silhouettes dérisoires.
©Simon Vansteenwinckel
L’horizon de buildings fait penser aux Géants de la montagne de Luigi Pirandello, ou de Paul Celan écrivant dans Entretien sur la montagne (1959) : « Tu sais. Tu sais et tu vois : ici la terre s’est plissé dans le haut, s’est plissée une fois et deux fois et trois fois, et s’est ouverte au milieu, et au milieu il y a de l’eau, et l’eau est verte, et le vert est blanc, et le blanc vient de plus haut encore, vient des glaciers, cela, on pourrait, oui, on ne doit pas, le dire, c’est parole là d’une langue en usage ici, le vert avec le blanc dedans, une langue, pas pour toi et pas pour moi – car, je le demande, pour qui donc est-elle conçue, la terre, ce n’est pas pour toi, dis-je, qu’elle est conçue, et pas pour moi, – une langue, de toujours, sans Je et sans Toi, rien que Lui, rien que Ça, comprends-tu, Elle simplement, et c’est tout. »
Plane une menace sur les derniers vivants, observés à travers l’écran d’un ordinateur, autrement dit d’une boule de cristal.
Un jeune fait du skate sur une avenue déserte.
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Un groupe de trois garçons semble rapper. D’autres encore ont la nuque baissée sur l’habitacle de leur Smartphone.
Les zombies zombent, les asservis se selfient, la vie est une traînée de solitudes.
Sensation d’impression risographique.
Illuminisme – un homme faisant du tai-chi dans un parc transformé en boule de lumière.
©Simon Vansteenwinckel
Pas de masque, mais le travelling des existences soumises au voyeurisme planétaire.
On attend, on s’idéogrammatise, on devient un abstract, un percept, un artefact.
Le film est fantastique, et presque tarkovskien, c’est-à-dire nourri de transcendance, d’esprit saint peut-être.
Simon Vansteenwinckel produit des images-temps, mais aussi des images-fantômes dont la matière est celle d’un œuvre métaphysique/alchimique.
Sur le fleuve impérial, deux hommes font du paddle, alors que se rapproche de plus en plus de la surface de la Terre la planète Melancholia.
Simon Vansteenwinckel, Wuhan Radiography, texte (français/anglais/chinois) Johan Grzelczyk, direction éditoriale Eric Le Brun, réalisation de l’ouvrage d’intention/dummy fatidique Andrea Copetti, finalisation graphique Valérie Dussart, Light Motiv, 2022, 100 pages
Simon Vansteenwinckel – Wuhan Radiography
©Simon Vansteenwinckel
Exposition éponyme – du 24 mars ou 20 juin 2022 – organisée par RUINS à la Maison Demeure (Roubaix, 59)