Photo Poche, Pléiade de la photographie depuis 40 ans

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©Frank Horvat

Créée en 1982, parallèlement à l’ouverture de l’Ecole nationale supérieure de la photographie d’Arles, au moment où Jack Lang, alors au ministère de la Culture, cherchait à démocratiser l’accès à l’art, la collection Photo Poche a participé de la reconnaissance publique de la photographie d’auteur.

Des galeries de haut niveau existaient ou émergeaient (Agathe Gaillard, Françoise Paviot, Michèle Chomette, Didier Brousse), le journal Libération (Christian Caujolle) et Le Monde diplomatique (Solange Brand) diffusaient des images, mais il manquait un outil de vulgarisation de qualité.

©Frank Horvat

Robert Delpire, nommé directeur du Centre National de la photographie (CNP), eut cette vision, offrant à Nadar et Henri-Cartier les premiers titres d’une aventure éditoriale (la collection est reprise en 1997 par Nathan, puis en 2004 par Actes Sud) comportant à ce jour 209 volumes (dont Photo Poche Histoire, Photo Poche Société et Photo Notes), le rythme de parution annuelle étant de sept ouvrages.

Bien en main, ayant valeur de rétrospective, voire de consécration, ces petits livres de 144 pages très bien façonnés – 65 images environ – sont préfacés par des experts, universitaires, écrivains, dont les textes sont généralement de parfaites entrées en matière.

©Frank Horvat

La collection Photo Poche accède aujourd’hui à une nouvelle ère, sous la direction de la photographe Géraldine Lay (nommée en 2019), sensible aux nouvelles écritures et à un rééquilibrage de genre – nouvelle identité graphique confiée à Pierre Péronnet et Wijntje van Rooijen : couverture sur fond blanc bordé d’un liséré de couleur pâle. 

Il manque des noms essentiels de la photographie contemporaine française, mais nul doute qu’ils rejoindront bientôt le vaisseau amiral tant leur absence est sur le long terme incompréhensible.

©Samuel Fosso

Le numéro 100 a marqué les esprits, intitulé « Je ne suis pas photographe », réunissant de façon passionnante de nombreuses personnalités ayant utilisé la photographie sans en faire leur axe majeur.

Klavdij Sluban, Sophie Calle, Erwin Blumenfeld, Frank Horvat (volume grandement remanié), Samuel Fosso et Charlotte Perriand sont les auteurs choisis pour inaugurer cette nouvelle mouture.

Les amateurs découvriront dans la nouvelle édition Frank Horvat un artiste – il est décédé récemment à l’âge de quatre-vingt-douze ans -, ayant participé à vingt-sept ans à la fameuse exposition The Family of Man au MoMa de New-York (1955).

©Samuel Fosso

Amoureux de Paris, réalisant des reportages pour Réalités et Jours de France sur la prostitution et les spectacles du « Paris by night », Frank Horvat sera un grand photographe de mode – et essayiste de la couleur -, ses portraits révélant en chacun un double sentiment de tendresse et de sauvagerie.

Humour, abandon, cruauté, beauté contemplative, Frank Horvat possède la classe des Italiens et la force d’affranchissement des Français.

Autre univers avec Samuel Fosso né en 1962 au Cameroun, ayant ouvert son premier studio à Bangui à treize ans (on peut penser à Malick Sidibé au même âge au Mali).

Il était destiné à être guérisseur, puis cordonnier, il devint photographe.

©Samuel Fosso

Ses autoportraits fantasques – révélés par Bernard Descamps -, effectués sur des bouts pellicules non utilisés professionnellement, l’ont rendu célèbre.

On découvrira dans son Photo Poche des séries emblématiques (il imagine avec souvent beaucoup d’humour et de finesse politique des alter ego), ainsi que des travaux plus intimes.

Présente-t-on encore Klavdij Sluban, dont l’œuvre de mélancolie, d’épure sur fond de solitude et de profond sentiment poétique de l’existence s’est imposée comme l’une des plus importantes de notre époque ?

©Klavdij Sluban

Pas de précipitation, mais la lenteur du voyage – souvent vers l’Est.

Pas de luxe, pas de confort, l’âpreté de ce qui est.

Pas de mondanité, mais le monde des prisons et des jeunes détenus.

Pas de bavardage, un silence ontologique.

Bashô en poche, mais aussi Yeats et William Blake.

©Klavdij Sluban

Dans son introduction, Zeljko Kozinc écrit avec justesse : « Il poursuit sa quête de la lumière dans l’obscurité, du blanc dans le noir, ce « désobscurcissement » dont parlait Deleuze. Dans son alphabet génétique, ses parents ont dès les premiers mots inscrit la notion du déplacement à travers leur traversée de la nuit vers la Ville lumière. Ce fils de réfugiés a cherché la lumière en sens inverse, dans le pays de leurs origines. »

Frank Horvat, introduction de Virginie Chardin, Photo Poche, 2022 (n°88), 2022, 144 pages

Samuel Fosso, introduction de Christine Barthe, Photo Poche, 2022 (n°168), 144 pages

Klavdij Sluban, introduction de Zeljko Kozinc, notices de Christine Delory-Momberger, Photo Poche, 2022 (n°169), 144 pages

https://www.actes-sud.fr/recherche/catalogue/collection/1317?keys=

https://www.leslibraires.fr/livre/20480537-frank-horvat-hooghes-alain-actes-sud

https://www.leslibraires.fr/livre/15683116-klavdij-sluban-christine-delory-momberger-actes-sud

https://www.leslibraires.fr/livre/20473656-samuel-fosso-christine-barthe-actes-sud

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