
©Marina Gadonneix
Edité par The Eyes Publishing dans le cadre du prix Niépce, Tornades, de Marina Gadonneix est un livre d’une grande radicalité formelle : des images de suie, des niveaux de gris très subtils et des édifices peu à peu ensevelis sous la vapeur d’eau.
Couverture tissu couleur argent reflétant la lumière, ISBN inscrit à même cette moire hypnotisante, comme un sceau de scientificité, cet ouvrage de grande beauté plastique observe le spectacle, reconstitué dans un laboratoire spécialisé sur la recherche concernant les phénomènes naturels extrêmes, des tourbillons de vent envahissant une ville représentée par des maquettes.
Des fumées, toxiques, létales, ou simplement mentales.
Une impression de nuit originelle.
Un trou noir.

©Marina Gadonneix
« Quelque chose, écrit superbement Marcelline Delbecq en préface, s’était non pas soulevé comme on avait pu le croire, mais décroché de l’air lui-même, un agrégat effréné de vent, de poussières, de débris, d’insectes assommés, de bitume arraché, d’objets métalliques tournoyant en cercles, accrochant tout dans leur sillage, depuis l’air, le sol, enserrant les branchages, des cheminées dégringolées pour bientôt / s’emplir d’une vigueur ancestrale. »
On ne comprend pas d’abord s’il s’agit de quelque vue aérienne d’une ville plongée dans la menace d’un événement climatique terrifiant, ou d’une mise en scène ayant nécessité toute la minutie d’une équipe spécialisée.
Des bâtiments apparaissent, puis disparaissent, sans logique apparente, la ville offrant peu à peu son étendue, puis sa rétractation.

©Marina Gadonneix
La sérialité des vues créant par l’abstraction un espace de méditation intense fait songer à l’art minimal, à James Turrell, ou même Donald Judd.
L’artiste ayant obtenu le prix HSBC pour la photographie en 2006 et le Dummy Book Award à Arles situe son travail dans une forme d’absolu représentatif égarant la perception, les jeux d’échelle, la croyance en la matérialité de ce que nous voyons.
Nous sommes dans une abstraction mouvante, entourée de ténèbres, la chambre d’un enfant affrontant calmement ses démons.
Puis les nuages arrivent, présence divine, tout au moins de l’ailleurs.

©Marina Gadonneix
La solidité supposée des maquettes est avalée, il ne reste rien qu’un peu de suée, de condensation, de brume.
L’air devient irrespirable et pourtant le spectacle est fascinant, qui nous contraint à rester le regarder.
La prestidigitation prendra bientôt fin, et peut-être avec elle le temps de l’innocence.
Marina Gadonneix, Tornades, texte (français/anglais) Marcelline Delbecq, directeur-ice-s de publication Vincent Marcilhacy & Véronique Prugnaud, direction artistique et design Florian Brennemann, photogravure JANVIER, 2020, 72 pages – 400 exemplaires
Œuvres de Marina Gadonneix dans les expositions collectives Fata Morgana, Jeu de Paume (Paris), du 22 mars au 22 mai 2022, et Epoché, Les Tanneries (Amilly), du 2 avril au 29 mai 2022

Marina Gadonneix est représentée par la galerie Christophe Gaillard (Paris)