C’est, mais ça pourrait très bien ne pas être.
C’est un geste, une offrande, un presque-rien valant pour sa brièveté, sa fugacité, sa fragilité, son intensité sans pesanteur.
Le mariage, de Joseph Charroy, est un livret publié en cinquante-trois exemplaires par les éditions Primitive.

On ne sait pas qui sont ces gens qui dansent, s’enlacent, font la fête.
Prises le 20 mars 2021 par Joseph Charroy au squat 404, situé dans une ancienne école rue Capronnier dans le quartier de Schaerbeek à Bruxelles, les photographies, exposées en vignettes, pleine page, découpées ou de guingois, font l’effet d’un album composé par un ami pour des amis.
Une rapide recherche sur Internet rend soudain ces images, d’abord simplement émouvantes, poignantes.

Le samedi 10 avril 2021, un incendie a détruit ce lieu où quelques jours plus tôt l’on s’amusait.
Aucun blessé, mais un avis d’expulsion appliqué sans ménagement par la police.
Les personnes précarisées qui y logeaient durent trouver un autre toit.
Conçu comme un laboratoire social et politique, un espace d’activité (atelier bois et métal, labo de développement et de tirage photo argentique, jardins de permaculture participatifs, atelier de couture et de dessin, atelier de brassage de bière artisanale…) et d’accueil pour les personnes racisées, les sans-papiers, les travailleur.ses du sexe, les femmes isolées, le 404 était un lieu permettant d’abriter les plus vulnérables, et de lutter contre toutes les formes d’oppression par la force des interactions renouvelées.

« Nous refusons, est-il précisé sur la page présentant cette initiative citoyenne, de reproduire une forme de système marchand au sein de ce lieu. L’organisation du lieu est non-hiérarchique, antisexiste, anti-autoritaire, autogérée au maximum ; les prises de décisions se font collectivement au consensus lors de discussions. »
Au regard de la violence policière et administrative dénoncée par les associations quand il fallut évacuer les lieux, le petit livre de Joseph Charroy prend tout son sens, comme un éloge du vivre, ensemble, du plaisir de la fête et du partage.

Un beau foutoir, des sourires, de la musique, des rencontres, des collants troués, des cannettes de bière, une atmosphère d’ébriété.
Les énergies sont là, qui sont de toutes sortes de personnes ne craignant pas de confronter leurs différences.
Il y a beaucoup de jeunes, des femmes joyeuses, l’espoir de l’invention d’un lendemain n’oubliant pas les si belles fraternités de la nuit.
Mais, au fait, qui sont les mariés ?
Sur le carton d’invitation était mentionné ceci : « Si vous êtes amoureux, bienvenus ! »
D’accord, je viens, mais je serai seul.

Joseph Charroy, Le mariage, éditions Primitive, 2022 – 53 exemplaires
