
« C’est jaune, c’est moche, ça ne va avec rien, mais ça peut vous sauver la vie. » (campagne de sécurité routière)
Contrairement aux apparences, les Gilets Jaunes n’ont pas déserté l’espace public, vidé par le/la Covid et la politique sanitaire, ils sont en attente, du meilleur moment où reprendre le combat contre l’injustice de trop.
« Ils » ? Le peuple, tous ceux qui tournent sans fin dans la nuit sur les ronds-points de France et d’ailleurs, en se consumant dans l’indifférence générale des nantis.
La rage devient impossible à contenir lorsqu’on se sent encore méprisé par qui nous fait une nouvelle fois la leçon du haut de son confort.
Cette certitude de la position dominante et de l’épaisseur du compte en banque, on appelle cela la bourgeoisie.
Un livre au format carré bourré d’images, publié par Les éditions du bout de la ville (situées dans un bourg des Pyrénées ariégeoises), nous rappelle, à partir de photographies d’inscriptions sur les dos des gilets, quelle fut la nature des réflexions des manifestants entre novembre 2018 et octobre 2019.
Une année de paroles populaires, d’écritures, de revendications, d’analyses.
« Il ne faut pas lire ces pages, précisent avec justesse les éditeurs, comme une suite de slogans consommés en masse et recrachés. Les mots qui ornent les dos sortent des tripes. Leur sincérité frappe, une sincérité qui n’existait plus. Sur les gilets, on affirme que la vie est politique, qu’on veur reprendre ses affaires en main et qu’on est nombreux. »
Il y a de la colère, de l’humour acide, des citations de grands personnages, une croyance dans la parole essentielle.
Une formidable foi en l’expression libérée, et en l’écoute mutuelle.
Que lit-on semaine après semaine, saison après saison, épisode après épisode, à Paris, à Evreux, à Toulouse, à Belfort, à Lens, à Rouen, à Mâcon, à Chambéry, à Marseille, à Foix, à Bar-le-Duc, à Nantes, à Mantes-la-Jolie, à Rungis, à Tarbes… ?

« Nous sommes tous des femmes et des hommes politiques. »
« Non au ruissellement par le haut / oui au bouillonnement par le bas »
« Quand tout sera privé / on sera privé de tout »
« Stop aux taxes, aux SDF et aux suicides »
« Qui sème la misère récolte la colère ! »
« Samedi c’est jacquerie »
« Ni patrie ni mari ni patron »
« N’attends plus rien des lendemains qu’on te réserve »
« Chomeuse en faim de droits »
« On veut vivre pas survivre »
« Ne vivons plus comme des esclaves »
« Tarlouze violente »
« Et le respect batard »
« Retraité spolié »
« Paye tes droits de l’homme »
« Nous voulons la démission de Macron »
« Manu Ciao ! »
« Les voyous c’est pas nous »
« L’Etat matraque la liberté »
« Nos désirs font désordre »
« Vous avez besoin de nous, pourquoi nous maltraiter ? »
Et tant d’autres phrases de vérité.
Parce que la répression passe aussi par l’amnésie, et la réécriture de l’histoire, Plein le dos se souvient, n’oublie rien, ne lâche rien, et pense à l’avenir.

Plein le dos, 365 Gilets Jaunes, novembre 2018-octobre 2019, édition bilingue (français, anglais), Les éditions du bout de la ville, 2020, 372 pages
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