
©Olivier Blanckart
Monsieur le commissaire, il n’est pas interdit de s’amuser, non ?
Voyez mon ami l’historien Philippe Artières. Tout le monde l’appelle Brother Foucault depuis qu’il a publié en 2021 Les Deux Corps du philosophe (éditions Le Point du Jour, à Cherbourg), où il a découvert que le philosophe chauve, en fait, c’était lui, et non l’autre.
D’ailleurs, je lui ai chanté ça : « Pour tout bagage on a sa gueule, / quand elle est bath ça va tout seul… »
Imiter, c’est se défouler, et je ne m’en prive pas.
Il fut un temps où nos billets de banque s’appelaient Pascal, Delacroix, Saint-Exupéry.
La fausse monnaie pouvait circuler, mais, eux, ils étaient vrais.
Dans le grand système représentatif actuel, il faut se construire une tête, une gueule (Witold Gombrowicz), n’est-ce pas ?

©Olivier Blanckart
Il faut être sa propre agence publicitaire.
Il faut être Marguerite Duras, ou rien, col roulé, voix rauque, sautillement batracien.
Quelle notoriété si l’on n’est pas sa propre marque ?
Ma marque à moi sera celle de tous autres, qui sont moi, à volonté.
Voyez ma plasticité, à tromper vos officiers assermentés.
Poètes, vos papiers !
Je suis la France, Monsieur, courbez-vous un peu.
Je suis Balzac modèle-de-Rodin, le sexe à l’air depuis plus d’un siècle, et toujours gaillard le gamin.
Je suis Coluche, Guy Roux (tu te souviens, Barbara ?), Charles Trenet, Michel Houellebecq (tu te souviens, Michel Houellebecq ?), Renaud, Carlos, Christian Boltanski, Jean-Paul Sartre, Jean-Luc Mélenchon, Jean-Marie Le Pen, Gustave Courbet, Victor Hugo, Henri Salvador, Jacques Lacan (sur le tableau noir : « J’étais pas Lacan c’est arrivé !! »), Gérard Depardieu, Yves Klein, Nicolas Poussin, Jean Genet, Philippe Sollers, Guy Debord, Claude Olivenstein.

©Olivier Blanckart
L’icône, c’est eux, c’est moi, c’est l’incessant marchandage des apparences.
Je suis homme politique international (Hitler, Berlusconi, Donald Trump, Boris Johnson, Angela Merkel, Moi-Marre Khadafi), peintre (Salvador Dali, Giorgio De Chirico, Diego Rivera, David Hockney, Pablo Picasso), chanteur pop (Elton John), génie scientifique (Sigmund Freud, Albert Einstein), acteur comique (Stan Laurel, Olivier Hardy), figure de bande dessinée (Capitaine Haddock, Tintin), écrivain (Ernest Hemingway), cinéaste (Tim Burton, David Lynch, Emir Kusturica), sculpteur (Constantin Brancusi), plasticien chaman (Joseph Beuys), espion (Raspoutine).
Vous me connaissez tous, je les incarne tous, je suis Dieu, je ne suis rien, je suis invité à l’ONU, au festival de Cannes, sur les plateaux de télévision.
Vous croyez être vous, mais vous êtes bien plus que cela, vous êtes une onde du Spectacle, un effet du show, un rire hénaurme sur une bande enregistrée.
Mais, quelqu’un manque à ma physiognomoplastie. Je ne suis pas encore Antoine de Galbert, et, ça, je le regrette.

Olivier Blanckart, Olivier Blanckart, texte (français/anglais) Olivier Blanckart, directeur de la publication Antoine de Galbert, suivi éditorial Arthur Toqué et Camille Maufay, Fondation Antoine de Galbert, 2022
Ce volume est le quatrième de la Collection Un certain désordre, après 01. Marie Katayama / 02. John Isaacs / 03. Edward Lipski
https://fondationantoinedegalbert.org/produit/olivier-blanckart/