Vivre libre, par Joanna Szproch, photographe

©Joanna Szproch

La femme de demain, libre, audacieuse, envoyant valser allègrement les stéréotypes et les pressions patriarcales, est déjà là, bien entendu.

Elle est française, iranienne, péruvienne, portugaise, japonaise.

Elle est polonaise vivant à Berlin comme Joanna Szproch qui avec Alltagsfantaisie donne libre cours à ses recherches identitaires, à ses fantasmes, à son inventivité joueuse.

©Joanna Szproch

Publié par André Frère Editions, ce livre est d’une facture superbe, se présentant sous couverture plastifiée sérigraphiée avec une encre phosphorescente.

Les couleurs sont girly, il ne faut rien s’interdire, pas même d’aimer le rose lorsque l’on est une fille.

En dernière de couverture, voici l’auteure, belle comme une louve, visage poupin, yeux francs, bouche sensuelle et mutine, chevelure baudelairienne.

©Joanna Szproch

Joanna Szproch nous ouvre son univers intime : je n’ai rien à cacher, semble-t-elle nous dire, tout est encore à explorer, exposer, élaborer.

Jupe courte bleu nuit, top fuchsia, visage masqué, baguette de fée à la main, corps légèrement penché sur un balcon, nul doute, la muse que photographie l’artiste fait sa Lolita.

La sexualité n’est pas un drame, mais un plaisir, comme le godemichet de verre que dresse une main en premier plan page suivante.

©Joanna Szproch

Tout commence donc par la jouissance, de l’univers, des parents – on l’espère -, de la jeune femme au corps nu posant sur un canapé surmonté d’un drap mauve.

Déshabillée, seins voluptueux, corps charnu, cigarillo au coin des lèvres, franche elle aussi dans son désir, la photographe affirme sa présence.

Alltagsfantaisie est un éloge des jours heureux, désentravés des normes sclérosantes, célébrant en souriant la beauté de toute nudité.

©Joanna Szproch

Dehors, il a neigé, tout est encore immaculé.

Dedans, les deux complices en porte-jarretelles exhibent leurs fesses nues.

L’époque redevient pudibonde, nous la ferons rougir de honte.

Photographie d’une petite fille en habit de communiante, dessins d’enfant (des princesses à talons, des robes fleuries, des nœuds dans les cheveux).

©Joanna Szproch

Le sujet court depuis l’époque classique : comment l’esprit vient-il aux filles ?

Par la découverte de leur corps, leur répond en images la photographe auréolée de grâce.

L’érotisme est permanent, Alltagsfantaisie est affolant.

Voici la modèle près du squelette d’un dinosaure : la mort est notre destin, en attendant la Camarde, peignons-nous les lèvres en bleu, couchons-nous très tard, vivons la pleine autonomie de nos flux émotionnels et désirants.

Construit comme un autoportrait fragmenté, cet ouvrage est conçu comme le témoignage d’un passage : c’est une chrysalide, une surface caméléonesque, une fleur au parfum capiteux.

Joanna Szproch est ultramoderne.

Alors que la belle photographie sa muse se masturbant (geste perceptible, mais en off), le visage gonflé par le plaisir, un moustique posé sur le sein.

Dans la forêt, un couple hétérosexuel fait l’amour.

Le soleil naissant colore d’un camaïeu de rose le paysage, Joanna Szproch écrit dans son journal : « Les hommes stéréotypés ne m’attirent jamais. Lui, il doit être un volcan imprévisible. Dès lors il m’intéresse, mais dès que je m’y intéresse, son imprévisibilité me fascine. Elle me tape sur les nerfs. Et bien qu’elle me stimule, m’excite, m’émerveille et me fascine, elle n’assouvit pas, hélas, mes besoins primaires. Mes besoins primaires ne sont pas ceux purement physiques. J’ignore s’il s’agit d’amour, mais à coup sûr d’un sentiment de sécurité, d’attachement, de compréhension… »

Joanna Szproch, Alltagsfantaisie, textes (polonais/anglais/français/allemand) Joanna Szproch et Agata Ciaston, design Nora Cristea, André Frère Editions, 2023, 144 pages