Les gens d’Istanbul, par Jehsong Baak, photographe

©Jehsong Baak

Auteur de trois livres parus entre 2006 et 2016 – Là ou Ailleurs, Photographs, One Last Goodbye -, Jehsong Baak est un photographe rare, dont la puissance de vision et d’empathie, doublée d’une perception aiguë de la sensualité de l’existence, frappe immédiatement.

Publié aux Editions Loco, son dernier ouvrage, Will You Still Love Me Tomorrow est une déclaration d’amour à la ville d’Istanbul, à ses habitants, à ses enfants, à l’ensemble de la vie la traversant, humaine ou non.

Jehsong Baak voit en noir et blanc, dépassant ainsi les clivages entre tradition et modernité, son œil étant sensible à la dimension de grâce dans la quotidienneté.

©Jehsong Baak

C’est un enfant posant la main sur le dos de son père, c’est un embarcadère scintillant, c’est le va-et-vient des navettes sur le Bosphore.

Il y a chez ce photographe d’origine coréenne-américaine vivant à Paris depuis 1998 une attention toute particulière aux chemins, aux parcours, aux errances comme aux personnages représentés en attente ou en introspection.

La ville qu’il regarde est plurielle, fraternelle et sororale, active et joyeuse, fantaisiste et populaire.

©Jehsong Baak

La rue, ses visages, ses incongruités, ses beautés, voilà toute la politique pour Monsieur Baak.   

On se serre dans les bras, on se touche, on forme groupe face à l’adversité, ou tout simplement parce que la chaleur des corps est communicative.

On est seul, mais pas toujours, pas vraiment, pas totalement.

Une mère porte son enfant, un amoureux a posé la tête sur les genoux de son amie, une bande se forme, qui se tient par les épaules, un couple rit.

©Jehsong Baak

Jehsong Baak contemple le peuple avec beaucoup de douceur, la joie de photographier, certes dans une position d’extériorité, est perceptible.

Il y a des minarets, des rappels de la religion comme transcendance et reliance çà et là, mais il y a surtout la lumière, l’eau unificatrice, et, quelquefois, le grain de la pellicule nous rappelant que bien avant d’être un reportage, cette série est un acte poétique et intime.

En introduction, Sébastien de Courtois, attaché culturel à Chypre, cite l’écrivain et intellectuel américain James Baldwin, qui séjourna dans la cité turque dans les années 1960 : « I can’t breathe, I have to look from the outside. Turkey saved my life ! »

©Jehsong Baak

A Istanbul, Jehsong Baak a fait corps avec la population, le livre qu’il a conçu pouvant être considéré comme un contre-don offert à une ville l’ayant délivré de lui-même par la cordialité de son peuple.

On voit des chats, des mouettes, des chiens, et des visages que l’on dirait parfois tirés d’un film noir.

Mais Will You Still Love Me Tomorrow n’est pas un polar, plutôt une romance discrète d’un promeneur solitaire marchant à l’unisson de la ville, et trouvant dans les êtres regardés avec tendresse une famille pouvant lui aussi l’embrasser.

©Jehsong Baak

L’artiste termine son livre par ces mots : « J’ai réalisé que j’avais passé un mois à me promener à Istanbul et à prendre des photos qui recréaient – inconsciemment – l’enfance joyeuse et insouciante et les parents aimants et protecteurs que j’aurais aimé avoir. »

Jehsong Baak, Will You Still Love Me Tomorrow, textes (français/anglais) de Sébastien de Courtois et Jehsong Baak, direction éditoriale Eric Cez, Editions Loco, 2024, 120 pages

https://www.editionsloco.com/livre/istanbul-will-you-still-love-me-tomorrow/

https://jehsongbaak.com/

©Jehsong Baak

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