Hommage au mage Philippe Sollers, par la revue Les Cahiers de Tinbad

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Le Paradis, Palais des Doges, Venise, 1588-1594, Le Tintoret

Les Cahiers de Tinbad fait partie de ces revues littéraires, certes confidentielles, mais qui comptent.

On y retrouve le nom d’écrivains quelquefois trop peu publiés, une défense farouche de la littérature comme révolution par le langage, une certaine idée de la liberté.

Héritière directe de Tel Quel et de L’Infini, Les Cahiers de Tinbad rend hommage pour son seizième numéro au mage Philippe Sollers.

J’y pioche des propos qui m’intéressent, y retrouve des réflexions de fond, des titres d’œuvres, une bibliothèque entière.

Cette épitaphe gravée sur sa tombe au cimetière d’Ars-en-Ré, formule du dialecticien Hegel : « La Rose de la Raison dans la Croix du présent ».  

Le Bordelais Jean-Hugues Larché, qui l’a filmé et enregistré (sur Nietzsche notamment), rappelle ce qu’écrit Roland Barthes dans Sollers écrivain (1979) : « Le scandale sollersien vient de ce que Sollers s’attaque à l’Image, semble vouloir empêcher à l’avance la formation et la stabilisation de toute Image ; il rejette la dernière image possible : celle de : « celui-qui-essaye-des-directions-différentes-avant-de-trouver-sa-voie-définitive » (mythe noble du cheminement, de l’initiation : « après bien des errements, mes yeux se souvent ouverts ») : il devient, comme on le dit, indéfendable. »

Thomas A. Ravier relit Paradis (1981) : « Sollers, à l’époque où il écrit Paradis, fait souvent référence au télex. C’est bien une question de fréquence, de nouvelle impulsion dans l’acheminement du message, de bande passante… »

Staccato du scripteur, pizzicato du stylo crachant de l’encre bleue, Scarlatti in excelsis, saccage des idées reçues, traversée de la Bible, littérature scratchée.

Pascal Boulanger : « L’écriture n’est pas la domestique du social global, elle en est la force de transformation symbolique et poétique. Sollers n’a cessé d’écrire de la poésie sans poèmes, autrement dit, il a écrit dans la beauté qui ne fait pas question, en se dégageant des voix encombrées de reproches, ces ténèbres bourrées d’organes (Merleau-Ponty). A l’inverse, une œuvre fidèle à l’épiphanie sensible du temps garde en soi une place intacte d’émotions. »   

Claude Minière : « Nous sommes allés prendre un verre au Pré-aux-Clercs. C’était il y a cinquante ans, c’est hier. Il a dit il faut poursuivre le combat. H venait d’être publié. »

Dans un entretien avec Yan Ciret, Philippe Sollers : « Mais il n’y a plus de monde ! Il n’y a que ce que le Spectacle vous dit qu’il pourrait y avoir à la place du monde. »

Olivier Rachet : « Où l’on mesure non seulement que la langue sollersienne jouit en permanence, quel que soit le genre littéraire auquel elle s’adonne – chronique, essai, biographie, roman, monographie -, mais qu’elle est surtout l’incarnation même. Il est étrange qu’aucun critique littéraire digne de ce nom n’ait songé à rapprocher les textes en langue de Guyotat, dont Sollers fut un ardent défenseur, et la mise en langue du texte sollersien telle qu’elle atteint son rythme de croisière avec la publication en 1981 de Paradis. »

Julien Boutreux cite Elon Musk : « Le dernier travail qui restera probablement consistera à écrire un logiciel d’intelligence artificielle. Ensuite, l’intelligence artificielle finira par écrire son propre logiciel. »

La littérature sera-t-elle la part aveugle de l’IA ?

Restera-t-il de véritables lecteurs ?

Et combien de légions pour le Diable ?

Revue Les Cahiers de Tinbad, directeur de la publication Guillaume Basquin, numéro 16, printemps 2024, 128 pages – 170 exemplaires

Contributions de : Guillaume Basquin, Gustave Flaubert, Jean-Hugues Larché, Thomas A. Ravier, Pascal Boulanger, Steven Sampson, Jean-Claude Hauc, Jacques Cauda, Claude Minière, Yan Ciret, Olivier Rachet, Francis Ponge, Pierre Guglielmina, Isabel Natacha Weiss, Julien Boutreux, Murielle Compère-Demarcy, Frank Aïdan, Jean-Paul Gavard-Perret, Tristan Felix, Ernest Hemingway, Caroline Hoctan

https://www.editionstinbad.com/revue-librairies

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