Avec Pierre de Ronsard, par Franck Maubert, écrivain

Manoir de la Possonnière, Couture-sur-Loir

« Alors que s’éteint à petit feu le français, sans que l’on s’en rende vraiment compte ou que l’on se soumette à son appauvrissement, Ronsard m’avait fait un clin d’œil dans les pages des annonces immobiliètes d’un quotidien. »

La vallée du Loir est l’un des secrets français les mieux gardés.

Un ancrage paysan, des villages charmants sans tonitruance, une douceur générale relevant de l’art de vivre, des bois giboyeux, des cavités pour y cacher des secrets dans le tuf, et la présence continuée depuis cinq cents ans d’un prince, Pierre de Ronsard.

Il rêvait d’embrasser le métier des armes, mais il sera poète, une forte surdité l’ayant sauvé de la rapière.

Il célébra Hélène, Cassandre, Marie, tant de muses qu’il aurait pu appeler avec Pétrarque qu’il admirait Laure.

C’est en ses terres que l’écrivain Franck Maubert a choisi de s’installer, heureux propriétaire d’une demeure sise non loin du manoir de La Possonnière, où vivait l’ami de Joachim du Bellay et des cinq autres astres de La Pléiade.

Il y pense Ronsard, respire Ronsard, marche Ronsard.

Son récit Avec Pierre de Ronsard, composé de brefs chapitres, est à la fois léger et profond, informé et partageur, érudit et sans apprêt.

On y lit et entend les vers du poète, et l’on y découvre une nature encore indemne, sûrement très proche de celle que connut l’auteur des Amours.

« Vivre sans volupté c’est vivre sous terre. »

Une rivière discrète, le chant des chardonnerets à tête rouge, un sfumato très pictural.

« Ici, écrit-il, le paysage devient pays. »

Héritier de l’élégiaque Horace, Ronsard a chanté le plaisir des jours et l’impermanence fondamentale, la terre suave et la douleur de la perte.

« Nous ne tenon en nostre main / Le futur ni le lendemain »

Tout est trésor, et tout s’en va, mais il reste, peut-être, les vers, la mémoire des hommes et le tremblement des forêts se souvenant de qui put arrêter en quelques mots le geste sacrilège des bûcherons.

« Escoute bucheron, arreste un peu le bras ! / Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas : / Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoute à force / Des Nymphes qui vivoyent dessous la dure escorce ? »

On peut faire une lecture écologiste et érotique (quelle différence ?) de l’œuvre de Ronsard, sa poésie s’y prête merveilleusement.

« Je n’avais pas quinze ans que les monts et les bois / Et les eaux me plaisoient plus que la cour des Rois »

Il chante la grenouille, le frelon, l’hirondelle, le rossignol, les arbres et la figue, l’araignée et le soleil.

Précédant La Fontaine (lire Les Amours de Psyché), il écrit avec superbe ce programme pour les temps présents et à venir : « J’aime à faire l’amour, j’aime à parler aux femmes, / A mettre par escrit mes amoureuses flammes, / J’aime le bal, la dance et les masques aussi, / La musique, et le luth, ennemis du souci. »  

Telle est aussi la France aimée par Montaigne, Rabelais, Voltaire, Stendhal, Philippe Sollers.

Mais au-delà de l’hymne au poète exceptionnel, Avec Pierre de Ronsard est aussi un éloge des pouvoirs de la littérature : « Quand on écrit, rappelle Franck Maubert, un feu vous brûle et vous apaise. »

Franck Maubert, Avec Pierre de Ronsard, Mercure de France, 2024, 124 pages

https://www.gallimard.fr/Catalogue/MERCURE-DE-FRANCE/Bleue/Avec-Pierre-de-Ronsard

https://www.leslibraires.fr/livre/23598892-avec-pierre-de-ronsard-franck-maubert-mercure-de-france?affiliate=intervalle

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  1. Merci pour ce bel article !

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