Couleur ou noir et blanc ? par Joel Meyerowitz, photographe

©Joel Meyerowitz

« Quelqu’un qui fait de la photo couleur, c’est comme s’il avait toute la symphonie de la rue dans la tête. » (Joel Meyerowitz)

Il y a Rome, Florence, et il y a Venise.

Il y a d’un côté le trait, la forme impeccable, le dessin précis, et de l’autre la couleur, la dissolution, la volupté dans l’effacement des lignes.

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Il y a des photographes en noir & blanc adepte de la pureté graphique, et d’autres en couleur, qui magnifient l’héraldique polychrome de l’existence.

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Il y a, à la jonction de ces deux tendances ici sommairement décrites, dépassant les dichotomies faciles, le photographe Joel Meyerowitz, célébré surtout comme l’un des premiers coloristes de son art à une époque où la couleur était déconsidérée – Walker Evans la trouve vulgaire, de l’ordre de la corruption – , laissée aux seuls marchandages des publicistes et aux amateurs adeptes des vues familiales.

Choisir le noir & blanc ou la couleur est une question esthétique relevant de la métaphysique.

Question de couleur, publié en français par Editions Textuels (première publication au Royaume-Uni par Thames & Hudson Ltd), permet ainsi de comprendre le parcours vers la couleur de l’artiste américain né à New York en 1938, ayant commencé à photographier avec deux boîtiers.

©Joel Meyerowitz

Sur la page de gauche, une photographie en couleur, et sur celle de droite, lui faisant généralement face, une autre photographie de la même scène en noir & blanc.

©Joel Meyerowitz

Chacune possède sa force propre, la couleur permettant cependant à l’ami de Tony Ray-Jones et Garry Winogrand de déployer une vision plus riche, plus musicale, plus ample dans ses échos et correspondances de points ou aplats colorés.

Certaines paraissent meilleures en noir & blanc, d’autres en couleur, il faut refuser le systématisme d’un jugement trop hâtif en faveur de tel ou tel choix.

Converti à la photographie après avoir rencontré et vu travailler Robert Frank, Joel Meyerowitz essaie la couleur pour rendre compte, notamment dans les rues de Manhattan, de La  Nouvelle-Orléans, de Chicago ou de Mexico, de la comédie humaine se déployant sous ses yeux. 

Les labos développent plus vite les pellicules couleur, le jeune homme est pressé, il se lance, influencé par le surréalisme, à la recherche de situations épiphaniques.

Il y a du centrifuge dans la photographie noir & blanc, et du centripète dans la couleur, voyez-y la richesse d’une double aimantation, par l’intérieur ou l’extérieur du cadre.

©Joel Meyerowitz

En 1964, à bord de son minibus Volkswagen équipé d’un lit et d’une table, Meyerowitz voyage en Europe (Irlande, Angleterre, Pays de Galles, Espagne, France, Bulgarie, Grèce…) jusqu’en Turquie, se confrontant à d’autres repères que ceux de sa terre natale.

« J’allais partout, confie-t-il. Tout le monde m’acceptait. Je me baladais avec mes deux appareils et je photographiais la vie dans la rue. »

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Par l’énergétique des couleurs, Meyerowiz, en Europe comme aux Etats-Unis, témoigne de celle de la vie qui l’enchante, faussement banale, drôle, impertinente, terriblement ironique.

« Quelque part, explique ce jeune homme depuis son atelier du Nord de Londres, j’espère que cet ouvrage permettra de faire savoir qu’il y avait au moins un petit jeune, en ce temps-là, qui disait : ‘Hé, réveillez-vous ! On tient un truc, là ! Et ce truc, c’est l’avenir !’ »

Joel Meyerowitz, Question de couleur, texte de Joel Meyerowitz & Robert Shore, traduction de Marie Delabry, Editions Textuel, 2024, 224 pages

https://www.editionstextuel.com/catalogue/photographie/voir-tout

https://www.leslibraires.fr/livre/23557085-question-de-couleur-joel-meyerowitz-textuel?affiliate=intervalle

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