
©Hervé Gloaguen
S’il fallait caractériser en termes picturaux le travail du photographe Hervé Gloaguen, le genre du nocturne pourrait lui convenir très bien.
Composé de scènes apparaissant sous des lumières artificielles, A Rome la nuit est un livre d’atmosphère caravagesque.
Un garçon très beau, yeux fermés, le visage baigné d’or indien, nous accueille dès la couverture : c’est un messager, notre guide, un ange peut-être, ou un démon.
Fuit de plusieurs voyages en Italie effectués entre 1974 et 1995, cet ouvrage superbe, et inattendu dans le paysage éditorial actuel préférant souvent le vernis savant à la rage pasolinienne, témoigne de la vitalité et de la sensualité de la jeunesse romaine.

©Hervé Gloaguen
Présentées pour la première fois, ces images réalisées en diapositives – Kodak offre alors régulièrement des pellicules aux photographes professionnels et aux agences -, nous montrent un monde révolu, direct, presque sacré, bien avant que chaque fragment de réalité ne soit avalé par l’utilisation compulsive des smartphones.
On peut prendre le temps de vivre, le tourisme de masse n’a pas encore atteint son apogée, les dieux règnent encore sur les fontaines et parmi les noceurs.
Hervé Gloaguen photographie Rome comme un vaste théâtre que protège une nuit excitante, énigmatique, interminable.

©Hervé Gloaguen
On fait la fête, on mange dehors, on se parle.
Chemises blanches, belles robes, tables dressées à deux pas des palais mordorés.
Passage d’une nymphe, cheveux blonds, soutien-gorge noir brillant, résille léopard, bijoux photophores.
La liberté est un quatuor de femmes coupées court se passant en riant et chantant une bouteille de bière.

©Hervé Gloaguen
Plonger seins nus dans la fontaine de Trevi entourée de ragazzi.
Il fait chaud, on pourra dormir dans la rue, des miracles sont possibles, comme la vision de ces deux amoureux terriblement sexy s’embrassant à pleine bouche en défiant la mort.
Hervé Gloaguen observe la foule, les couples, les éléments d’architecture, des escaliers.
Tout consonne, tout s’épouse, tout se fond et se confond dans une nuit de volupté, de désir, d’échanges.
Entre la pierre et l’humain.
Entre l’humain et l’eau.
Entre l’eau et le feu électrique.

©Hervé Gloaguen
Epuisement des corps, rencontres fortuites, ivresse collective.
Faisant quelquefois penser à la Cinecittà de Fellini, A Rome la nuit prend la dimension d’une cérémonie initiatique pour quiconque participe à la joie des ténèbres.
Ça sent le sexe, ça sent l’alcool, ça sent l’amour fou.
Le luxe est là, pour tous, c’est la rencontre des corps et des imaginaires, l’érotisme partageur et la solitude illuminée.
On appelle cela un summum de civilisation.
Gloire de Rome à travers les siècles.

Hervé Gloaguen, A Rome la nuit, textes de l’auteur, mise en page Claude Nori, conception graphique Isabelle Nori, éditions Contrejour, 2025, 96 pages
https://www.editions-contrejour.com/project/a-rome-la-nuit/

©Hervé Gloaguen
