
©Stephen Shames
Très attentif aux problématiques de l’enfance pauvre et du racisme, Stephen Shames est un photojournaliste américain travaillant depuis plus de cinquante ans.
Publié en Allemagne par Kehrer Verlag, la monographie Une vie dans la photographie est un livre retraçant une grande partie de sa carrière et comprenant des inédits.
Il s’impose sur la table, les regards de ses personnages et ses cadrages sont toujours intenses et tranchants.
Pas de tricherie avec Stephen Shames, mais un vis-à-vis, une franchise, une façon d’aller au contact.
L’intéressent la vie directe, la façon dont les corps occupent l’espace, la rue du peuple en ses difficultés, son inventivité, sa liberté.

©Stephen Shames
Les enfants sont omniprésents, ils sont l’avenir et la vulnérabilité, la force de présence et notre responsabilité.
Se développer sans véritables repères, avec les copains, les bandes.
Suivre son instinct – des adolescents sont prêts à s’embrasser dans une piscine.
Il y a chez lui de la sensualité, de la drôlerie, une tension de violence.
Plage et flingue.
Rires et engagement dans la lutte armée (Black Panthers).
Bagarres de gamins et flics casqués armés de matraques prêts à en découdre sévèrement.

©Stephen Shames
Innocence et révolte.
Solidarité et abandon.
Désir et désespérance.
Les portraits qu’effectue Shames sont saisissants, parce que les corps sont souvent à la fois beaux et meurtris, et que les yeux des personnes rencontrées vont au-delà de leur personnage.
Beaucoup de Blacks, beaucoup d’êtres démunis, beaucoup d’armes.
La palette émotionnelle que saisit le photographe, qu’elle s’exprime en noir & blanc ou couleur, est riche de l’entièreté de la condition humaine qu’il rencontre.
De la tendresse, de la provocation, de l’effroi, de la colère, de la cruauté – une femme est étendue, décédée, dans son sang -, du sourire.
Il faut avoir voyagé beaucoup, accueilli beaucoup de situations, parlé avec beaucoup d’êtres, pour se montrer capable de rassembler un tel corpus d’images.
Pas de pathos, mais le jeu de la vie jusque dans la mort, souvent dramatique, de ses frères et sœurs humains.
Ce sont des existences bricolées, entre lutte, drogue, amours vives.

©Stephen Shames
Stephen Shames ne cherche pas les contrastes absolus, mais montre les forces antagonistes structurant nos sociétés, l’espoir et l’affliction, le combat et la répression.
Tiens, voilà Barack Obama, et Stephen Hawking, et des enfants anonymes jouant dans des décombres, ou portant des marchandises dans un marché africain.
Stephen Shames est profondément américain, il croit aux valeurs de son pays.
Sa photographie d’alerte et de témoignage relève de la lutte constante pour la dignité humaine.
La prison n’est jamais loin pour les exclus et les révoltés, mais Shames s’attache aussi à célébrer la joie, l’affection pour les proches, l’effervescence des corps indociles.

Stephen Shames, Une vie dans la photographie, textes Jeffrey Henson Scales et Stephen Shames, designed by Caleb Cain Marcus, Kehrer Verlag, 2024, 228 pages
https://www.kehrerverlag.com/en/stephen-shames-a-lifetime-in-photography-978-3-96900-172-1

©Stephen Shames
https://www.rencontres-arles.com/fr/expositions/view/1581/stephen-shames