
©Amaury da Cunha
« Il y a parfois des images en avance sur le travail et la vie. » (Amaury da Cunha)
Sait-on vraiment d’où l’on vient ?
Depuis l’Antiquité, les écoles de mystère font découvrir à leurs initiés leur véritable identité et le sens même de leur incarnation.
Aujourd’hui, nous sommes seuls, et peu nombreux sont les sages pouvant nous guider.

Il faut agir à l’aveugle, tâtonner, faire de la photographie peut-être, pour approcher le mystère de notre être.
Par ses images conçues comme des microfictions, Amaury da Cunha cherche la clé même de ce qui le fonde.
Une histoire familiale, trouée, fortifiée.
Fruit d’une résidence proposée par l’artothèque de Vitré Communauté en 2023-2024, Cœur bleu se rappelle une enfance passée par intermittence du côté du château des Flégés.

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Signe de haute lignée, le sang bleu marque l’idéalité aristocratique, la pureté, les valeurs à défendre.
C’est aussi un imaginaire fécond, la protection des bois, des gisants de granit, des nuits énigmatiques, un pistolet de corsaire pouvant servir lors d’un duel.
Des silences heurtés de bruits bizarres.
Un enfant joue encore dans le parc du château, ou s’amuse à se tapir derrière les fenêtres.

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Il est mort, il est là, dans l’éternel retour du même.
« Certains souvenirs, écrit Amaury da Cunha dans le journal accompagnant sa résidence, sont comme des meurtrières : on y observe des choses sans pouvoir les toucher. »
Le papier peint se déchire mais il ne faut surtout pas l’ôter.
Il faut lentement se hâter, photographier, on ne sait pas ce que feront dans quelques années, demain, tout à l’heure, les prochains propriétaires.

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Le grand escalier tangue, la mort approche, qu’il faut repousser par l’héraldique des images, les couleurs, le renversement du regard, la polychromie végétale.
Un trésor est caché quelque part, c’est celui du temps perdu, parfois retrouvé.
Amaury da Cunha laisse monter les visions.
C’est un cheval de petite taille bleuté, un livre empoussiéré, une théogonie attristée.
Moments d’anxiété, les lieux accueillent et repoussent, l’artiste photographie, écrit, interroge les signes.
L’étang où celui-ci aimerait se baigner nu recèle-t-il quelque cadavre depuis longtemps décomposé ?

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Comment migrent les corps, les âmes, les ossements ?
« Je me demande pourquoi les reliques de Saint-Modeste, mort à Jérusalem en 634, se sont d’abord retrouvées à Trèves, en Allemagne, puis dans la petite chapelle bretonne des Flégés, construite en 1704. »
Faire parler les traces, les éclairer en bleu, pour les déplacer un peu.
Cœur bleu, sous-titré Voyage en Bretagne, est une expérience mentale.
Il y a du conte fantastique, une entrée calme dans un autre monde, le territoire de la mélancolie et de l’exil intérieur.
Par l’entièreté de ses images, leur concentration, leur solitude, Amaury da Cunha invente un acte mémoriel célébrant ce qui, déjà, n’est plus.

Amaury da Cunha, Cœur bleu, texte Amaury da Cunha, conception graphique Patrick Le Bescont, Filigranes Editions, 2025, 96 pages
https://amaurydacunha.com/fr/accueil

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