Au commencement était le soupir, par Yannick Mercoyrol, écrivain, critique d’art

La Liberté perdue, 1979, série « Les Evasions manquées », peinture sur toile, technique mixte, 284 x 178 cm, Paul rebeyrolle (photographie : Michel Nguyen) « Nous nous entreglosons tous. » (Michel de Montaigne) Quel plaisir de découvrir un auteur dont la langue, les visions et la ferveur esthétique me touchent immédiatement. Directeur de la programmation culturelle de Chambord…

De l’ébranlement de la vision, par Laurent Jenny, écrivain et critique

Série Le langage des fleurs ©Anne-Lise Broyer « Voir n’est donc qu’entrevoir en une sorte d’interminable lapsus temporel, deviner une provenance, conjecturer une ouverture. » (Laurent Jenny) Notre regard est pour une grande part culturel. Nous ne voyons pas comme nos grands-parents percevaient, qui ne recevaient pas de la même façon que leurs aïeux une scène, un…

Poétiques de l’image, par Jean Daive, critique

Hiroshima, mon amour – Marguerite Duras/Alain Resnais, 1959 Après L’Exclusion (éditions Galerie Jean Fournier, 2015), livre développant à travers les réflexions d’Aby Warburg, Walter Benjamin, André Malraux et Robert Rauschenberg, le postulat « ce que je regarde n’est pas ce que je vois », et l’ouvrage Pas encore une image (éditions L’Atelier contemporain, 2019), où il est…

Baudelaire, critique et peintre d’art, par Jean-Christophe Bailly, écrivain

Georges Catlin, « peintre des Indiens » L’écrivain Jean-Christophe Bailly est un lecteur d’exception. Son ample préface – une cinquante de pages – à la réédition par les éditions La fabrique du volume de Baudelaire, Salon de 1846, est un texte enthousiasmant, intelligent, informé, permettant une découverte fine de l’œuvre du poète observant la peinture de son…

Histoire de l’œil, par Laurent Jenny, écrivain, critique

« Et pour moi-même, quand donc m’est venu (revenu !) ce désir de plonger dans le visible ? Tard, il me semble. Comme si des écailles m’avaient longuement pesé sur les yeux. Enfant, ce sont d’abord les mots qui m’occupent, un écran de mots. Trop d’imaginaire, pas assez de vision, l’un toujours superposé à l’autre, l’oblitérant dans la…

Vers l’unité originelle, par Hermann Hesse, écrivain

« Mais l’homme n’a pas le monopole de l’écriture. On peut très bien écrire sans mains, sans plume, sans pinceau, sans papier ni parchemin. Le vent, la mer, le fleuve et le torrent écrivent. Les animaux écrivent. La terre écrit quand elle plisse le front quelque part et barre ainsi la route à un fleuve, balaie…

Du risque de la critique d’art, par Marcel Cohen, écrivain

Kazuo Shigara « Je n’écris pas parce que j’ai quelque chose à dire (si c’était le cas j’écrirais un article ou une tribune libre) mais pour savoir où mes livres me mènent. » (Marcel Cohen) Comment écrire sur une œuvre d’art ? Comment la dire sans la perdre ? Comment préserver en elle sa capacité de bouleversement ? Comment ne…

Petites folies en fioles, par Jean-Pierre Bobillot, nez poète

« A chaque clé suffit son pène. » Dernières répliques avant la sieste [notes sur le risible – II & III], de Jean-Pierre Bobillot, pourrait être une dystopie farcesque, mais c’est mieux que cela, puisque c’est un jeu de réappropriation littéraire survivaliste, une façon de ne pas s’en laisser compter, une énergétique verbale. Il est préférable de…

Horse, une encyclopédie sauvage, par Heleen Peeters, iconographe

© Heleen Peeters Lorsque je passais, enfant, devant les deux boucheries chevalines de mon quartier, à Calais, j’éprouvais chaque fois une gêne, un malaise, une sorte de honte. Lorsque je passais, enfant, devant les deux boucheries chevalines de mon quartier, à Calais, j’éprouvais chaque fois une gêne, un malaise, une sorte de honte. © Heleen…

Jacques Lemarchand, critique, serviteur du théâtre, et grand amoureux

Sans la belle obstination d’amis, de critiques, d’éditeurs, de passeurs, certaines œuvres essentielles tomberaient rapidement dans l’oubli, ainsi, peut-être, celle de Jacques Lemarchand, dont les éditions Claire Paulhan publient le troisième tome du journal (1954-1960) de ses aventures littéraires et sensuelles. Lecteur chez Gallimard, ami de Boris Vian et d’Albert Camus qui le fit entrer…

Entre crime et sainteté, Dostoïevski, par Julia Kristeva

« Bien avant, et très tôt, Dostoïevski avait réalisé que l’explosion épileptique, ses auras, ses douleurs et peurs le mettaient au contact avec une dimension essentielle de la condition humaine : avec l’avènement et l’éclipse du sens. » J’ai connu une étudiante albanaise, venue en France dans l’espoir d’y étudier Sartre et Camus. Elle était…