Marguerite Duras et Yann Andréa, la maladie du bel amour à mort (4)

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Je voudrais parler de Duras est une série d’entretiens donnés par Yann Andréa à la journaliste et romancière Michèle Manceau en 1982.

Yann Andréa est alors l’amant de Marguerite Duras depuis deux ans. Leur différence d’âge est de quarante ans, mais chacun a besoin de l’autre, absolument.

La relation est amoureuse, très certainement de nature sadomasochiste. La créature dépend du créateur, ivre de son pouvoir. La créature possède le créateur, marionnette indispensable à sa jouissance.

Yann Andréa, décédé en 2014, n’a alors pas encore écrit ces livres bouleversants par lesquels le grand public le découvrira, M.D. (Minuit, 1983) et Cet amour-là (Pauvert, 1999)

Etudiant en philosophie à Caen, Yann Andréa rencontre Marguerite Duras en 1975 lors de la projection dans cette ville du film India Song.

Une lettre est immédiatement écrite, mais la destinataire ne répond pas. Cinq ans passent, jusqu’à l’envoi par l’auteure des Petits chevaux de Tarquinia de son dernier ouvrage, L’Homme assis dans le couloir.

Elle réside non loin de lui, à Trouville, il l’appelle. Le coup de foudre reprend aussitôt. Ces deux-là ne se quitteront plus, le lien se confirmant par-delà la mort, Yann Andréa étant désigné comme son « exécuteur littéraire ».

Phrases confiées à Michèle Manceau :

«  C’est peut-être le seul écrivain, c’est le seul écrivain qui m’a bouleversé complètement comme ça, au sens où, à la limite, je ne pouvais pas en lire plus de deux ou trois pages, parce que c’était trop fort. »

« Dès qu’elle a commencé à parler, il y a eu un silence total. Et puis cette espèce d’autorité dans la voix, cette espèce de charme qu’elle a opéré immédiatement sur la salle. »

«  L’amour ne peut pas exister sans la destruction de quelqu’un, sans la mort. »

« J’ai compris qu’un rapport amoureux s’installait, et que c’était elle qui l’installait. Directement. Moi, j’étais amoureux d’elle par le biais du texte toujours, pas immédiatement. Elle a été amoureuse de moi presque immédiatement. »

« Je crois que dans les premiers temps on n’a pas couché ensemble tout de suite. Ça a été quinze jours où je l’embrassais sur la bouche… »

« Un jour elle m’a dit : « Je veux vous décréer, pour vous créer. » »

« Et je crois que ma composante homosexuelle a fait, a joué dans le fait que j’étais un terrain propice à cette espèce de domination par une femme. »

« J’ai découvert la femme complètement libre de son corps qui dit : « J’ai envie de baiser. Baisez-moi. » »

« C’était la rencontre avec la femme, complètement. Pour moi, ce sentiment énorme de tout à coup se sentir être un homme. Finalement, je crois que je n’avais jamais fait l’amour avant de la rencontrer.»

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« On était à Trouville et on a vécu comme ça deux, trois mois, presque jusqu’en novembre, tous les deux. Tout seuls. C’était complètement merveilleux. »

« Elle n’a immédiatement pas supporté que je puisse avoir un désir homosexuel. »

« Je crois qu’un des mots clés de Marguerite à mon endroit c’est : « Je vous aime, tais-toi. » »

« Et je suis sûr aussi que jamais personne ne m’aimera comme ça. D’une attention, jusqu’à vouloir que je n’existe plus, tellement cet amour est grand. »

En 2016, Maren Sell publie L’Histoire, livre où la directrice des éditions Pauvert relate l’histoire de son amour pour Yann Andréa, son rôle dans sa remontée des ténèbres, et son soutien indéfectible concernant des capacités créatrices en lesquelles il ne croyait plus.

Le fantôme de Marguerite Duras est là, toujours, son écriture agissant pour les initiés comme un schibboleth.

Marguerite Duras, ou l’histoire d’une voix, d’un rire, d’un regard, d’un charme irrésistible et douloureux.

9782720215476-001-x

Yann André, Je voudrais parler de Duras, éditions Pauvert, 2016, 112p

Découvrir le site des éditions Pauvert

9782720215414-001-x

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