Qui n’a jamais rêvé de vivre la vie d’un baba cool allemand en vacances en Ardèche dans les années soixante-dix ?
Une grève, des gros galets, des serviettes multicolores, des rires.
S’avance vers vous une grande fille blonde, très jolie, cheveux longs, seins nus souriants : « Entschuldigung monsieur, tu n’as pas une cigarette ? »
Non loin de là, sur un sol de poussière, est garé un véhicule orange, petits rideaux blancs aux fenêtres.
C’est un Combi, un camping-car Volkswagen, la voiture du peuple libre.
Le coffre est ouvert, vous vous faufilez, ça y est, vous êtes caché. A vous désormais l’aventure !
Au volant, une photographe de vingt ans, Françoise Saur. Il y a des enfants, ce sont peut-être les siens. On comprend en tout cas à les voir qu’ils sont fruits de l’amour, et que les suspensions du carrosse ont déjà pas mal rigolé.
Des bus Volkswagen, « de 1978 à 2015 il y en eut trois : un Bulli rouge, un T3 caravelle café crème et un T3 Multivan Last Edition numéroté bleu. »
Protégé par une banquette d’arlequin, j’entends tout, je vois tout.
Pas besoin de ceinture, pas besoin de tee-shirt, le monde leur appartient.
On y dort, y pique-nique, chante, discute, en ouvrant des tonnes de cartes déchirées qui sont les plus belles du monde.
Dehors, il fait grand soleil, mais cela ne changerait rien s’il neigeait ou pleuvait toute la journée, puisque ce véhicule-là est bien plus qu’une automobile, c’est un monde en soi, une petite planète, un satellite réconfortant.
On s’arrête n’importe où, place de village, aire d’autoroute, là où veut bien s’ouvrir la glacière.
Dehors, il y a des chevaux, un vélo cabossé, des rêves éveillés.
Passage d’un train, embouteillage, un troupeau de brebis sur la route, un bac sur une rivière où dériver autrement.
C’est un monde où l’on dessine, lit, dort, s’ennuie un peu parfois, mais tous ensemble.
On voit ce que personne ne voit, c’est l’aventure, le vertige des montagnes, le brouillard.
Tiens, si on passait dire bonjour à Bernard Plossu et Françoise Nunez.
Tiens, si on allait dans le Jura, à Marseille, à Saint-Malo.
Panne.
On répare, on ne répare pas, on se salit les mains, on laisse filer le temps et s’énerver les autres.
On roule vite, on fait n’importe quoi.
Un gendarme, attendri par la bouille bien ronde des quatre bambins : « Allez, filez ! »
C’est la vie pieds nus, paniers en osier, pull en tricot et pain de campagne.
C’est la vie en sieste, macadam et marmaille nue.
C’est un voyage qui n’en finit pas, et que l’on refait en livre des années plus tard.
Françoise Saur, Les années Combi, texte de Michèle Lision, Médiapop Editions, 2017, 150p