Les Manouches, une âme en danger, par Louis de Gouyon Matignon et Benjamin Hoffman

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« Les Manouches ne doivent pas être résumés à un folklore ou à des fantasmes ; ils doivent être résumés à une âme. Je vous invite à les rencontrer non pour leur musique, leur langue ou leur mode de vie itinérant mais simplement pour ce qu’ils sont, des personnes différentes luttant pour leurs différences. »

« Chassés par l’Eglise et les paysans à leur arrivée en France au XVème siècle, condamnés aux galères par Louis XIV au XVIIème siècle (nous retrouvons des descendants de Manouches en Louisiane), fichés par Bertillon à la fin du XIXème siècle pour être ensuite internés et parfois même déportés vers l’Allemagne nazie dans les années 1940, ces Français aux racines asiatiques déportés de la région du Pendjab au début du XIème siècle par des Turcs iranisés se méfient de l’Autre : le Gadjo. »

Ainsi s’exprime, dans un superbe texte introduisant Le Testament manouche, livre de photographies de Benjamin Hoffman publié aux éditions de Juillet, le porte-parole le plus connu des gens du voyage, le jeune et très informé Louis de Gouyon Matignon (25 ans), particulièrement inquiet de constater sous ses yeux la disparition d’une culture symbolisant l’écart, la liberté, l’autre à l’état pur, peu à peu effacée par le rouleau compresseur d’un mode de vie uniformisant imposant sédentarité, abandon de la langue vernaculaire, adoption d’un comportement nivelant les différences.

Le ton est douloureux, la peine sincère, la solidarité avec les Anciens assistant, impuissants, à la dissipation de leurs valeurs, réelle.

Les images de Benjamin Hoffman, au-delà du document ethnographique, disent quant à elle la fierté d’un peuple sachant encore préserver sa part d’inconnu et d’irréductibilité, mais gagné peut-être, entre évangélisation forcenée, et fascination pour la culture américaine, par une sorte de normalité contraire à sa loi intime.

Les photographies sont magnifiques, elles invitent à l’ouverture de la parole.

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Benjamin Hoffman, vous êtes photojournaliste et réalisateur de documentaires. Sur quels thèmes avez-vous essentiellement travaillé jusqu’à ce jour ?

L’essentiel de mon travail documentaire gravite autour de thématiques liées aux migrations, de peuples et surtout de cultures, et s’intéresse donc inévitablement à la question  de la mémoire, et à la survivance de pratiques cultuelles et culturelles.

J’explore des médias différents, essentiellement la photographie et le film, qui sont intimement liés, mais disposent de spécificités distinctes très attirantes qui permettent des variations dans la narration.

Le dernier film documentaire sur lequel j’ai travaillé, Aventure, retour au pays natal a été diffusé il y a quelques semaines. Il raconte les douleurs et les écueils du retour volontaire de migrants sub-sahariens dans leur pays après une tentative d’exode vers l’Europe.

Le livre Testament Manouche va bientôt fêter son premier anniversaire, et je prépare actuellement plusieurs autres projets éditoriaux, comme auteur photographe, mais également comme éditeur, puisque je collabore parallèlement à un projet de création de maison d’édition avec pour ambition de faire revivre l’œuvre d’artistes oubliés. Un autre travail sur la mémoire.

La question manouche vous préoccupe-t-elle depuis longtemps ? Comment et sur quelle durée s’est élaborée la construction de votre série photographique ? 

La genèse de ce projet date de 2011. J’avais à l’époque été intrigué par l’annonce dans une brève d’actualité, d’un grand rassemblement religieux de Tsiganes dans le Loiret, à Gien. Je m’y étais rendu sans être annoncé ni attendu. L’ambiance y avait été passablement glaciale, les rapports entre ces communautés et les journalistes étant rarement apaisés. J’y avais toutefois fait la rencontre de Louis de Gouyon Matignon. Quelques rares images avaient été réalisées lors de cette première confrontation à la question Manouche, jamais utilisées plus tard d’ailleurs.

Mais un bourgeon avait commencé à germer en moi.

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Puis en 2013, en pleine polémique médiatico-politique sur le statut des Rroms en France, j’ai fait face à une confusion des termes et des appellations qui font la communauté Tsigane. Qui étaient donc les Rroms, les Gitans, les Manouches ? Beaucoup de bruit pour peu d’explication.

J’ai repris contact avec Louis à cette période. A l’issue de notre première entrevue et d’une clarification nécessaire (Il y a donc des Tsiganes, de nationalité française, nomades, les Manouches. On les connaît mal, on ne les comprend pas), l’évidence s’est imposée d’entamer un travail documentaire sur cette communauté.

Nous avons dès départ souhaité en faire un livre, pour marquer notre travail dans le temps, faire un objet pérenne de ce dont nous allions témoigner.

Nous attaquons le travail en 2013 et continuons jusqu’en 2015. Il s’étale donc sur trois années. Nous avons beaucoup voyagé en France. En Touraine, dans le Loir-et-Cher, en Champagne, dans le Sud-Ouest (Béarn, Landes, Pays Basque), dans le sud de la France, en Ile de France. Je crois qu’on a fait 30.000 kms de voiture sur toute la période…

A chaque voyage nous restions pour des périodes plus ou moins longues. Parfois deux ou trois jours, parfois quinze. Mais je me rappelle aussi d’un aller/retour de 24 heures entre Paris et les Pyrénées Atlantiques pour le mariage d’un ami manouche que je tenais absolument à documenter.

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Considérez- vous que Testament manouche ressort du devoir de mémoire à propos de ce que Pier Paolo Pasolini appellerait un ethnocide ? 

L’ambition qui a été la nôtre dès le départ, à savoir faire exister notre récit dans un livre comme priorité absolue peut s’assimiler à un travail réalisé sous l’étendard parfois trop rapidement convoqué du devoir de mémoire. Il est évident que le moment choisi pour effectuer ce travail est capital, que la communauté vit une transition importante dans son histoire moderne. Mais je crois qu’il y a une dimension mémorielle et historique à laquelle tout travail documentaire mâtiné d’ethnographie peut prétendre.

Le terme d’ethnocide soulève une problématique intéressante en ce qu’il désigne une destruction mise en œuvre par un groupe contre un autre. La communauté Manouche voit son mode de vie, ses repères culturels changer jusqu’à la disparition, mais sous l’impulsion d’une puissance difficilement identifiable puisque fruit de changements sociaux, de glissements d’usages, et surtout de transitions internes.

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Comment avez-vous approché la communauté des gens du voyage ? Comment avez-vous été accepté ?

L’approche a nécessité deux étapes. Louis étant particulièrement identifié et apprécié dans l’ensemble des aires d’accueil sur lesquelles vivent des Manouches, j’ai par ricochet rapidement été toléré, puis accepté par les gens avec qui nous évoluions.

La première étape consistait en une phase d’adaptation, sans appareil photo, et à double sens. Je souhaitais que les gens m’identifient, comprennent la raison de ma présence et notre ambition. Et j’avais besoin de trouver les premières réponses à mes interrogations, d’assimiler certains codes et de mûrir une réflexion avant les premières images. Une fois ma présence entérinée partout ou nous étions, j’ai pu commencer à travailler, dans un mélange de complicité réciproque nécessaire et de d’acceptation de la présence de l’appareil photo, jusqu’à sa disparition. L’ambition était de me fondre dans un quotidien et de ne plus soulever de questions sur mes intentions, pour n’être qu’un témoin discret des scènes auxquelles j’assistais.

Que n’avez-vous pas compris de ce que vous voyiez ?

J’ai entamé ce travail empli de fantasmes, d’a priori que le temps, les rencontres et les confrontations ont permis de déconstruire chaque jour, progressivement. Il n’y a pas eu à proprement parler d’éléments que je n’ai pas compris. Il y a eu des surprises, sur l’organisation familiale des Manouches, sur la structuration sociétale, et sur le rapport au temps. Cette notion est celle qui m’a le plus perturbé. La problématique de la fuite du temps me hante au quotidien. Il y a chez les Manouches une perception de ce temps qui passe extrêmement différente de celle à laquelle j’étais habituellement confronté.

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Louis de Gouyon Matignon m’a un jour dit : ”La vie d’un Manouche, c’est une journée qui ne s’arrête jamais”. C’est une notion très importante pour comprendre l’organisation de la vie dans la communauté. J’ai entamé plusieurs fois des discussions avec des amis manouches, et les ai reprises des semaines plus tard, comme si quelques minutes seulement avaient passé. La dissonance de perception dans l’écoulement du temps est particulièrement troublante.

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Avez-vous ressenti un important conflit de générations entre les jeunes et leurs aînés ? A quoi rêvent les jeunes ?

La génération que nous avons décidé de suivre et qui fait l’objet de notre travail est celle sur laquelle s’opère la transition de manière la plus visible. Elle est bien plus émancipée que celle des parents. Ils ont un accès facilité à de nombreux outils (le téléphone, internet) qui symbolisent l’ouverture à un nouveau monde qui n’était que peu connu auparavant.

Les jeunes manouches aujourd’hui sont tentés d’aller voir ce que la société propose. Ils y goûtent via Facebook, internet, et leurs rapports avec les gadjés – pluriel de gadjo: l’autre, l’étranger. Il y a cette tentation, cet attrait de l’extérieur. Leurs parents n’ont que peu de contacts avec cet extérieur. Eux sont plus modernes, plus adaptés à l’ouverture. Ils ne réfutent pas leur ascendance, au contraire. Ils sont tous extrêmement fiers d’être manouches, c’est constitutif de leur identité, même lorsqu’ils ne parlent plus la langue, qu’ils ne sont plus nomades.

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Mais il y a beaucoup de codes qui régissent leur vie et l’évolution des mentalités les pousse à goûter à autre chose progressivement. Beaucoup de  mes copains manouches m’ont dit leur envie de faire des études pour certains, d’avoir un ‘vrai métier’, parfois aussi d’habiter en ville. Louis avec qui j’ai travaillé écrit très justement qu’ils appartiennent à une culture et une économie faibles, qui inévitablement ont vocation à être aspirées dans l’uniformisation, la mondialisation… l’intégration.

Malgré la volonté d’autre chose, la notion de famille reste sacrée et absolue chez les Manouches. Il y a une fidélité totale à la famille et au respect des anciens. Ce que font les jeunes ne va pas à l’encontre des priorités familiales. Les ambitions ne sont pas partagées par les anciens, mais on ne clame pas publiquement qu’on veut changer de vie. Car ce n’est de toute façon pas le cas. Le changement se fait de façon plus subtile, c’est un glissement progressif qui les emporte. Il y a à ma connaissance très peu de Manouches qui poursuivent de réelles études. Les petits sont scolarisés pour la plupart mais pas de façon continue ou suivie.

Le regard que portent les anciens est assez surprenant sur de nombreux aspects. De plusieurs discussions que j’ai pu avoir avec eux est souvent ressorti le constat de l’impuissance. ‘Nous changeons, mais nous n’y pouvons rien, c’est comme ça’. Du fatalisme. Peut être aussi pas les moyens d’enrayer le changement.

Il y a une tentation d’une autre vie mais malgré tout leur seule référence est le modèle familial. Il y a aussi le phénomène de pression de groupe. Progressivement toutefois il y a une mixité qui s’opère. Nous avons suivi des jeunes qui sortent dans les bars des centres-villes, qui essayent et parviennent à avoir des ami(e)s gadjés. Je connais aussi des couples mixtes. Malgré tout, l’importance à leurs yeux de l’appartenance communautaire est un rempart à l’abandon total des siens. Leur culture a beau se diluer, il subsiste dans leur inconscient collectif un lien qui les unit les uns aux autres et qui est essentiel dans leur appréhension des relations sociales et de l’organisation de la vie.

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Étonnamment, ce sont les Manouches les plus urbanisés qui m’ont semblé le plus attachés à leur culture et leur identité tsigane. Je pense à deux cousins, Scott et Skyper qui vivent en banlieue parisienne. Ils sont en maison, parlent le français entre eux. Et pourtant ils étaient extrêmement au fait de beaucoup d’éléments constitutifs de leur histoire. Ils connaissaient la musique et les grands jazzmen manouches, s’intéressaient à des subtilités de la langue. Ils viennent d’une famille aisée et ont ce recul certain qui leur permet de réfléchir à leur assimilation. Ils conservent une caravane devant la maison, mais ne voyagent plus. C’est une survivance. Quand on leur demandait quand ils prendraient la route, il y avait toujours une raison qui empêchait de partir.

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Plus qu’une volonté manifeste de quitter un mode de vie traditionnel et d’entrer en opposition, c’est vraiment la tentation de l’intégration et de ses attraits qui pousse les Manouches vers cette inexorable assimilation et perte de référents identitaires forts.

Les Manouches, contrairement à ce que l’on croit, voyagent peu désormais. Le vrai nomade est-il désormais le photojournaliste ?

Il est vrai que le voyage est devenu compliqué. C’est cher, il y a eu longtemps des mesures politiques pour l’empêcher ou le limiter (le carnet de circulation, discrimination administrative, aujourd’hui abrogé).

Aujourd’hui les manouches qui voyagent encore le font sur des petites distances. Les déplacements sont intra-régionaux pour la plupart, pour du travail, pour rejoindre des membres de la famille, ou pour des raisons religieuses (missions religieuses surtout). Le christianisme évangélique a pris une part immense dans la vie des Manouches.

C’est l’essence du travail du journaliste et par extension du photojournaliste d’aller à la rencontre de son sujet, qu’il soit à proximité immédiate ou de l’autre côté du monde. Le traitement de l’information et les usages du journalisme sont bouleversés jour après jour mais je suis intimement convaincu qu’il y a une nécessité impérieuse à continuer à exercer ce métier en allant collecter les histoires pour les mettre en perspective, les partager, et contribuer à une meilleure compréhension ou appréhension du monde dans lequel nous essayons d’évoluer.

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Avez-vous noué des amitiés durables à la faveur de votre immersion dans la communauté manouche ? Viviez-vous en caravane, sur place ?

Les nombreuses rencontres que nous avons faites pendant ces trois années et les moments forts que nous avons partagés ont inévitablement créé des liens intenses avec les gens avec qui nous étions. C’était un prérequis. Pas d’images de l’intimité sans une confiance réciproque, une envie de partage. Louis avait beaucoup d’amis proches dans la communauté, rencontrés pendant des années. Ensemble nous avons mûri des relations durables et fiables. Les journées étaient longues, il nous est parfois arrivé de dormir sur place, invités  en caravane chez des amis. Le sens de l’hospitalité est très développé chez les Manouches. On se pousse à table pour vous permettre de vous asseoir, les plus jeunes vous laissent une place que vous n’avez pas réclamée. L’invité qui est accepté reçoit tous les égards, et toutes les attentions. Afin de ne pas abuser d’une hospitalité qui les pousse à faire trop de concessions, nous évitions d’abuser des nuits en caravane. Lorsqu’un Manouche vous propose sa caravane pour y passer la nuit, cela signifie qu’il doit à son tour trouver un lit auprès d’un membre de sa famille.

Avez-vous ressenti concrètement la notion d’un danger à être l’autre, le Gadjo ?

Les clichés ont la vie dure et ont tous un fond de vérité. Si les Tsiganes sont réputés hostiles à l’étranger, c’est surtout en raison du traitement réservé par les Gadjés pendant des siècles. La communauté a toujours été mise à la marge parce qu’incomprise, inquiétante, ne respectant pas les normes imposées. Est née une crainte, une méfiance. Mais lorsque les Manouches comprennent la raison de votre présence et votre envie d’aller vers eux, alors vous ne recevez pas la moindre hostilité.

J’ai été frappé par la méconnaissance qu’ont les gens des Manouches. Dans certains villages de Touraine, je parlais avec les habitants dans un bar. Ils me disaient que le campement de Manouches à 300 mètres était là depuis des années. Mais pas une seule fois il ne leur est venu à l’idée de franchir les 300 mètres pour aller les rencontrer. De l’ignorance nait la méfiance, puis la crainte. Et elle est réciproque.

Notre démarche était très claire depuis le début. On expliquait qu’on travaillait à un livre, destiné aux Gadjés, pour faire connaître la vie des Manouches, ce qui a toujours été bien compris et apprécié. Et la tradition d’accueil chez les Manouches est au-delà du remarquable. Passer une journée sur une aire d’accueil, c’est avoir la garantie de faire six repas dans la journée…

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Les jeunes manouches ont de plus en plus de rapports avec le gadjo. Ils sortent en ville, vont dans les bars, les boites. Ils ont des amis hors de la communauté, ils ont assimilé les codes sociaux de leur époque et de la société sans problème.

Comment l’image a-t-elle été perçue par les personnes que vous avez rencontrées ? A-t-elle été vécue comme une menace, un faire-valoir, ou au contraire avec indifférence ?

Leur rapport à l’image, à leur image, m’a intrigué tout au long des voyages que nous faisions. Il y a un mélange d’excitation à être confronté à son image et d’indifférence sur la destination des photographies. Je n’ai essuyé presqu’aucun refus, les gens étaient flattés de voir un gadjo raconter leurs vies avec l’ambition de la démythifier pour un public profane.

Il y a une certaine fierté pour certains de regarder les images de moments importants, comme les mariages et de susciter la curiosité et l’intérêt d’un étranger qui consacre du temps à leurs récits et à leurs vies.

Et se découvrir en photo, c’est s’arrêter un instant sur sa vie, la mettre en perspective, ce qui provoque le jugement, la réflexion, et d’innombrables discussions.

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En revanche, très peu des gens avec qui nous étions ont eu d’intérêt pour le livre comme objet. Il y a un frémissement immédiat, créé par la présence curieuse d’un photographe. Une envie d’apprivoiser réciproque. Mais l’idée même de se projeter dans le temps comme je l’ai évoqué plus tôt est inenvisageable. Quand je répondais que le livre existerait plusieurs mois plus tard, le désintérêt était immédiat. Ils ont un rapport au livre comme objet presque inexistant. Personne n’en possède, n’en lit ou n’en feuillette. Leur histoire est orale, leur rapport à la vie et au quotidien n’est pas dans l’abstraction.

Avez-vous montré votre livre aux Manouches concernés, ou même à d’autres communautés ? Les images ont-elles été exposées ?

Certaines familles avec lesquelles nous entretenions les rapports les plus proches ont suivi le projet de très près, assistaient à la sélection des images, réagissaient sur des choix d’édition. Montrer des images déjà réalisées achevait parfois de convaincre de nouvelles rencontres de nous laisser nous impliquer auprès d’eux. Le projet a été plusieurs fois publié dans la presse et exposé au cours d’expositions. Récemment, une exposition a été organisée sur une aire d’accueil de gens du voyage en Bretagne à l’initiative d’une association. Les Manouches sur place, face aux photos, essayaient de reconnaître les gens sur les images, s’étonnaient de ne pas retrouver telle ou telle famille. Les gadjés qui regardent mes images sont intrigués par les scènes qui s’y construisent. Les Manouches, eux, s’amusent de voir figées des scènes si caractéristiques et habituelles à leur communauté, partout en France.

Au mois de juillet prochain, le projet fera l’objet d’une nouvelle exposition dans le cadre des Rendez-vous de Juillet, un festival de journalisme vivant. L’occasion de mûrir des échanges devant les images, meilleur vecteur de communication quand elles sont associées à la parole.

Avez-vous perçu au quotidien la pudeur manouche qu’évoque dans son texte Louis de Gouyon Matignon ? Comment s’est-elle manifestée ?

Il existe une pudeur incroyable qui se manifeste dans de nombreux évènements de la vie quotidienne. Rares sont les marques publiques d’affection entre les couples. On parle très peu de sentiment, on ne s’épanche pas sur ses émotions. La famille est sacrée, on s’abstient d’insulter ou de manquer de respect aux anciens, toute injure dirigée à l’encontre de la famille relève presque du blasphème. Enfin, j’ai particulièrement été surpris par le rapport entretenu avec la mort et les morts, dont les proches ne prononcent plus les noms. Il faut donner à l’absence tout son retentissement. Il n’y a pas de terme qui puisse nommer le vide que laisse la mort.

Propos recueillis par Fabien Ribery

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Louis de Gouyon Matignon et Benjamin Hoffman, Testament manouche, Les Editions de Juillet, 2016

Les Editions de Juillet

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