
Emmanuelle Bousquet joue avec son corps, joue avec le désir de ses contemplateurs, s’amuse des voiles comme des dévoilements, protégeant son sexe, offrant sa peau, ses formes, ses volutes, la plénitude gracile de ses mouvements, de ses poses.
Emmanuelle est une liane, une jungle dans la ville, une métaphore, une eau douce, serpentine et pénétrante, une élégie de feu.
Composé d’images finement dégradées, joliment végétalisées, Stigmate (Filigranes Editions) offre à la gente dame des tatouages d’herbes et des ailes baroques.

Le givre qui la recouvre provoque un strip-tease inattendu, où la belle qui se donne dans sa nudité se doit de brûler pour empêcher le manteau de glace de la recouvrir entièrement.
Assisterait-on à la disparition de Vénus ?
Le corps s’exhibe, mais le visage de l’innocente louve est souvent masqué, par les mains, les cheveux, une position de pudeur.

L’œil s’avance, la bouche cherche à se poser sur le téton, qui murmure : « Mon chéri, nole me tangere. »
Le stigmate est-il donc l’image exposée ou notre cœur, dans cette impossible rencontre que tout convoque pourtant ?
De la crue du Nil ne subsiste qu’un paysage ravagé.

Le débordement conduit au stoïcisme, quand le don se retire au moment même d’être reçu.
Sisyphe est le spectateur des nudités femelles, qui (presque) toujours fuies quand elles accourent vers vous entre les bois de frênes, fragiles, souples, et marquées d’interdit.
Emmanuelle Bousquet agace les nerfs, et comble d’aise les amoureux ardents de statuaire antique.

Un souffle d’air parcourt son dos, glisse sur ses fesses, longe ses longues jambes, puis nous revient, plus saharien encore que lors de son émission.
La petite fille est là, recroquevillée en la femme qui séduit, demandant qu’on la regarde longtemps pour ne pas craindre d’exister.
L’intime est l’un des ordres du firmament, mais aussi pour la photographe une possibilité d’être reconnue, et sûrement aimée.
Emmanuelle Bousquet, Stigmate, texte de Tatyana Franck, postface de Fiona Sanjabi, Filigranes Editions / Galerie Agathe Gaillard, 2018, 58 pages
Exposition d’Emmanuelle Bousquet à la galerie Agathe Gaillard (Paris), du 5 avril au 12 juin 2018
