
« J’ai grandi entouré d’amour. Je n’ai manqué de rien. Alors comment suis-je arrivé ici dans cette chambre d’hôtel, loin, si loin de tout ? »
Alexis Gallissaires, auteur de Jimmy et Jour blanc (Allia, 2006 et 2018) est un mystère, son personnage aussi, qui, entre rêves et cauchemars, nuits de tempêtes et jours de brumes, tente de comprendre l’énigme de ses visions.
Jour blanc, c’est un texte, mystérieux, surprenant, un conte noir, mais c’est aussi un dessin fleuve ayant contraint le livre, pour suivre son cours, à se réinventer.

Voici donc un ouvrage à déplier tel un accordéon en plusieurs mètres de propositions graphiques au crayon gris, une tapisserie baroque, une fresque, un volumen constricteur à l’entêtant parfum de géranium.
La structure contraint la liberté qu’elle produit par ailleurs, et il fallait à Alexis Gallissaires imaginer une forme inédite pour que s’y émancipent ses obsessions.
Un peuple de pupilles dilatées vous observe, vous épie, vous étouffez.
Asphyxie, paranoïa, panique.
Corps morcelé.
Dépersonnalisation, angoisse.

« Depuis quelques temps déjà, je ne me reconnais plus. Mon visage me surprend, un peu comme si je l’avais oublié. »
Il y a des chats, des souris, des Mickeys, des M&M’s sur le sol, des papillons, des mécanismes, des machines, des dentiers.
Un visage apparaît en gros plan. Est-ce un autoportrait ?
Le dessin engendre le dessin dans un flux continu. C’est une longue peau de serpent de 16,10 mètres remplissant un vivarium.
Avec une grande virtuosité technique, Alexis Gallissaires crée dans une folie d’ordre des engrenages, des structures d’atomes, des dentelles arachnéennes.
Des fœtus flottent dans des bocaux, ou des billes. Ils sont grotesques, comme le personnage représenté, gueule ouverte telle celle d’un poisson mort.
Entre les Lego de l’enfance poussent des champignons hallucinogènes près desquels reposent des cadavres nus.

Alexis Gallissaires dessine des doigts lourds, épouvantables si d’aventure ils se posaient sur vous.
Son trait maîtrisé est celui d’un junky au moment où éclatent des flashes d’une précision redoutable.
Jour blanc a peur de disparaître, mue, connaît ses chaînes.
Des motifs charmants de la tapisserie se lèvent des monstres, un univers archaïque ayant la forme d’un labyrinthe dépliable horizontalement comme on tire une langue chargée de poils morts.
« J’ai des papillons dans les veines. Chacun de mes chromosomes crépite. »
Alexis Gallissaires, Jour blanc, éditions Allia, 2018, 70 pages
Exposition de Jour blanc, du 23 mars au 2 juillet 2018, au Musée d’art Hyacinthe Rigaut de Perpignan
