
C’est un livre d’une délicatesse folle, qu’il ne faut surtout pas étouffer de mots.
C’est un tissu fin que l’on tient du bout des doigts, et dont on peut entendre le doux froufrou lorsqu’on le fait vivre en le dépliant.
Il s’intitule Anamorphosis, la Hollandaise Judith van IJken en est l’auteure.

Anamorphosis est un ensemble de gestes gracieux, de postures, de poses théâtrales pleines de distinction.

Les modèles sont des petites filles, des infantes, des princesses.
Ce sont des points de peinture nés de la pixellisation importante des images créant un effet de sfumato coloré d’une grande préciosité.

La véritable noblesse semble ici procéder moins d’un statut social d’origine, que d’une façon d’occuper l’espace, entre pleine présence et possible abandon aux vastes zones d’ombres qui le constituent.
Les pieds n’écrasent pas le sol, ils le soulèvent, de même que la main s’appuie sur l’invisible dans un effet de suspension très beau.
Les petits personnages sont des enfants du Siècle d’or hollandais à travers les siècles, comme si Vermeer continuait de peindre des moments d’éternité dans un temps soumis à l’omnipotence des apparences publicitaires.

Chorégraphie de nuques et de chignons, de doigts et d’orteils.
Gravité des visages, joie du corps magnifié par la robe, le costume.
Anamorphosis construit un ensemble de diptyques à distance : d’abord des détails (partie 1), puis des portraits entiers des jeunes danseuses sur fond de scène noir (partie 2).

Judith van IJken invente le temps d’un livre une fascinante communauté d’impératrices ou de dames de cour aussi belles que fragiles.
Judith van IJken, Anamorphosis, texte (en anglais) de Lynn Berger, autopublication, 2018, 40 pages – 300 exemplaires accompagnés d’un tirage