
Philippe Pétremant est un photographe vivant et travaillant à Lyon, soutenu par la galerie Le Réverbère depuis 2002, qui lui offre aujourd’hui un livre présentant cent dix pièces, Hiperman.
On y perçoit immédiatement toute l’ampleur du rire de cet artiste ne craignant ni le macabre, ni le saugrenu, ni le kitsch.
Voici la tête d’une chèvre peinte en bleu, surmontée d’une couronne de pétards. L’étiquette jaune de son éleveur pend à son oreille. Vous l’avez reconnu, c’est un hommage à Pierrot le fou, de Jean-Luc Godard.

Chez Pétremant, il n’y a ni haute, ni basse culture, mais une combinatoire bizarre envoyant valser la facticité des hiérarchies.
L’iconoclasme est la marque de sa liberté, sa façon de faire fondre les armes de ses adversaires (le gros animal social et ses thuriféraires).
A la façon du sale gosse ayant lu aux toilettes pendant des heures le dernier numéro du journal bête et méchant Hara Kiri, et en ayant retenu les leçons (merci Hannah Höch et professeur Choron), Philippe Pétremant pratique l’art du collage provocateur, de la légende elliptique, du bricolage absurde.

Cette œuvre à la singularité affirmée peut être pensée comme un memento mori, faisant de la tradition des vanités une dernière occasion de rire.
La tonalité est rabelaisienne : à ne pas s’occuper des viscères la pensée risque d’imploser d’humeurs noires accumulées.
Les objets prennent leur autonomie, deviennent des personnages inventant des usages inédits, se moquant de nous.

Nous les regardons faire la fête, sublimes et ridicules. Nous sommes seuls quand eux s’amusent.
L’esprit général est carnavalesque, c’est-à-dire qu’en ces territoires où une balle de tennis se retrouve écrasée entre les moulages en plâtre de dents humaines la dépense importe bien plus que le calcul.
Nous avons soumis le seau et le gant en caoutchouc à des pratiques qui n’avaient rien à voir avec leur véritable noblesse. Désormais, le temps de la réparation est venu, et nous avons tout à craindre de leur vengeance.
Le peuple des objets de Pétremant grouille d’insectes, de têtes de poissons, de tickets de files d’attente, de cerveaux en plastique (offrande à Jan Fabre).
Un hachoir a tranché de façon horizontale le canard en plastique rose du bain des enfants, laissant apparaître son mécanisme. Il s’occupera bientôt de ce qu’il reste de nos yeux andalous.
Il y a de la moisissure sur les animaux des chocolats de Pâques, des indiennes pour nos nuits de théâtre, des schémas savants, des timbres évoquant la conquête spatiale et des cassettes audio fondues.

Philippe Pétremant organise la rencontre entre un os et un ballon de baudruche dans un sac contenant du maquillage. Il en sort de la guimauve aux couleurs de la France.
Ne comprenne pas qui pourra.
Ou comprenne qui ne pourra pas.
Philippe Pétremant, Hiperman, textes de François Cheval et Jacques Damez, Le Réverbère & cie, 2018 – 110 photographies, couverture cartonnée
Philippe Pétremant est représenté par la galerie Le Réverbère (Lyon)
Exposition Honneur aux éditeurs ! Beatrix von Conta, William Klein, Géraldine Lay, Philippe Pétremant, Denis Roche, du 8 septembre au 29 décembre 2018