
La Russie a la tête haute, la Russie a souffert, souffre, souffrira toujours, la Russie boit, danse, crie, se bagarre et fait l’amour jour et nuit.
La Russie est lointaine, mais c’est un autre nous-même, que Didier Bizet a rencontré, voyageant de Moscou à Soudal, de Vladimir à Kazan.
Son livre, Itinéraire d’une mélancolie (Les Editions de Juillet), en restitue l’atmosphère, entre simplicité du peuple et sentiment de déréliction, impression de grandeur perdue et de désuétude, de fierté et de partage.


Mathias Enard a su décrire avec une grande acuité dans L’alcool et la nostalgie (Inculte, 2011) ce pays de mélancolie et de fièvre, d’effondrements et de résurrections.
En préface du libre de Didier Bizet, Cédric Gras écrit joliment : « Qu’est-ce qui rend si attachant ce vaste état où se sont déroulées toutes les horreurs du monde au cours du XXe siècle ? Ses gens, assurément, le fruit un peu décrépit de leur travail, la générosité de leurs mœurs imprévisibles, leur joie qui confine à la tristesse. »
La Russie, c’est une certaine tenue, un costume militaire impeccable, et des baisers ardents au moment de se dire au revoir, un bouquet d’œillets rouges à la main.


C’est un parfum d’empire tsariste se perpétuant à travers les siècles.
C’est un néon cassé que personne ne remplacera.
Des pin-up, putes de luxe et petites mamies se rendant au marché, un fichu sur la tête.
Une cuisine avec une passoire en fer blanc.


Des drapeaux rouges, des datchas d’opérette, de l’espionnage.
Des grands ensembles où l’on s’ennuie.
Des espoirs romantiques, et des désespoirs sans rémission possible.
La ferveur orthodoxe et l’amour de la peinture.
Des trains interminables.
Des couloirs de métros interminables.
Des rêves interminables.
Des forêts de boulot et des survêtements roses.
Des oies au bas des immeubles et des femmes à talons.
Des gamins des rues et des grands-parents amoureux.
Des peintures écaillées et des petites filles en habit de ballerine.


Didier Bizet écrit : « En Russie, les églises abritent les âmes, les paumés se dégèlent à la vodka et les ravissantes slaves se surmaquillent ; le surréalisme de la Russie, c’est son réalisme. »
Ce qui donne un livre, ce qui donne un voyage, ce qui donne un antidote à la mélancolie.
Didier Bizet, Itinéraire d’une mélancolie, textes de Cédric Gras et Didier Bizet, Les Editions de Juillet, 2018, 120 pages
Didier Bizet est représenté par l’agence Hans Lucas