
Voici de nouveau un livre d’une très grande singularité, au design superbe (Fiorenza Pinna), Index G, des photographes Piergiorgio Casotti et Emanuele Brutti, publié en Italie par Skinnerboox.
Index G fait référence à l’indice de Gini, mesure statistique de l’inégalité, également utilisé pour déterminer le degré de ségrégation résidentielle.
Piergiorgio Casotti et Emanuele Brutti s’intéressent aux ségrégations ethniques, culturelles, sociales, marquant l’espace de nombre de villes contemporaines, notamment entre ce qui relève du lieu considéré comme espace valorisé, et de la banlieue, où l’espérance de vie est quelquefois en chute libre.

Nous sommes, en grand format vertical, aux Etats-Unis.
Apparaît le visage d’une femme noire dont on ne devine pas les yeux. Derrière une clôture grillagée, le drapeau américain est hissé. Il est en couleur quand l’humain est invisible.
Un bel arbre est dressé derrière une palissade en fer.

Il y a des entrepôts de briques, des garages fermés, des places de parkings, des rues très larges.
On ne sait pas vraiment où ni quand l’on est, peut-être un dimanche matin quand la ville dort encore, peut-être chaque jour là où plus personne ne désire se rendre.
Banalité des vendeurs de voitures dans un pays conçu pour les véhicules, la route, le flux, l’évacuation des corps.

Il y a parfois quelques humains – d’autres portraits d’hommes et femmes Noirs -, l’impressionnant générale étant celle d’une grande solitude.
On remarque des enseignes, une onglerie, un Burger King, un vendeur de pneus.
Il fait beau, mais les images sont frangées de noir, comme un rappel de ce qu’elles excluent, comme une menace de disparition.

Sont photographiées des pièces vides, des fantômes d’habitations.
Nous ne connaîtrons rien de leur histoire, nous constatons l’absence.
Voici le beau visage mélancolique d’une lady Black.
Voici des pages totalement noires.

Voici un désert.
Voici des inquiétudes.
La couleur et le noir ne se côtoient pas, la juxtaposition est de mise.
Règne partout la sensation d’un vide relationnel, d’un cloisonnement intime, comme lorsqu’un couple est en souffrance et n’arrive plus à se regarder vraiment.
Qui inventera des paroles de réconciliation ?
Emanuele Brutti et Piergiorgio Casotti, Index G, designed by Fiorenza Pinna, Skinnerboox, 2018 – 650 exemplaires
