
Après les magnifiques familles Geneste (deux volumes sur quatre déjà parus chez Filigranes, couvrant un empan chronologique de vingt-quatre ans, 1992-2016) et Vansteenwinckel (livre Nosotros chez Yellow Now), l’actualité photographique nous offre l’occasion de rencontrer la tribu Laboile, non moins touchante.
Très appréciée des réseaux sociaux, la petite planète Laboile est un concentré de joies, d’espiègleries et de jeux sans fin. Les enfants y sont les rois et reines d’un royaume dont la végétation, l’eau et le soleil constituent les limites enchantées.
La propagande du malheur ne fait pas partie des projets de l’artiste, père d’une famille composée de superbes sauvageons, la plupart du temps à moitié nus. Ce sont des Indiens courant dans la plaine, se blessant les pieds, et dansant pour faire tomber la pluie sur un parterre d’escargots.

Ici se trouve la dernière humanité possible, c’est-à-dire la première, la seule viable, la seule vraiment désirable.
Alain Laboile et ses enfants écrivent un conte permanent pour traverser l’époque, inventent un temps de volupté, bien loin des impasses existentielles et du catastrophisme ambiant.
L’anthropocène ? Peut-être. Les enfants soldats ? Peut-être. Les sept péchés capitaux ? Peut-être, mais tout ça n’est pas pour nous, qui vous révélons en quelques images notre éden amazonien en territoire français.

Aux couleurs du monde publicitaire, les Laboile préfèrent le noir & blanc brillant sur papier épais (livre chez Kehrer Verlag à Berlin), dont le grain procure au toucher de doux frissons.
Summer of the Fawn est un livre haptique, où les caresses, les frottements de peaux, forment un bonheur de chaque instant.
Doués pour la vie, ces enfants-là n’ont pas grand-chose à attendre de l’école, qui ont compris d’instinct le paradis de la sensualité.

Les corps ne se reposeront qu’après d’ultimes glissades, baignades et galopades. En attendant, place aux maillots de bain, aux déguisements et aux culottes à l’envers.
La pampa est en feu, rendez-vous à la piscine, là-bas, au milieu du jardin.
Les adolescents font tourner les portables, les petites filles les cordes, et les garçons les poings de comédie.
Les voisins ont fui depuis longtemps, à qui les corps libres font peur.

Ballons, vélos, lunettes de plongée, bassines, filet de volley-ball, bouts de bois, éléments de carioles, tout est jeu, tout est accessoire de théâtre.
Passent une tripotée de chats, placides, habitués au grand boucan des après-midis.
« Chez Alain Laboile, écrit Laurence Kiberlain, il n’y a pas de réveil. »
Voilà le grand secret, accorder parfaitement le rythme de sa vie à son idiosyncrasie, comprendre celui des autres, ne pas craindre d’aimer sans retenue, et, comme chez les Troglodytes heureux de Montesquieu, savoir s’éloigner définitivement de l’humanité assassine.
Alain Laboile, Summer of the Fawn, texte de Laurence Kiberlain, Kehrer Verlag (Berlin), 2018, 114 pages
ce ne sont pas les enfants qui sont sauvages, c’est le ohotographe. et le monde ou nous vivons…
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