A l’occasion d’une nouvelle exposition ayant lieu à la galerie Gérard Lévy (Paris), De la lettre à la vie, j’ai proposé à Didier Ben Loulou, qui est un fin lecteur, de choisir dans sa bibliothèque des phrases, des vers, des mots.
Incluse dans le verbe incarné, la photographie n’est pas qu’un enregistrement mécanique plus ou moins réussi de la réalité, mais une possibilité de recomposer des syntagmes jusqu’à rendre le monde, peut-être, transparent.
Il y a très probablement un arrangement mystérieux des photographies permettant à la lumière de ne pas s’éteindre.
Telle est la quête de Didier Ben Loulou, dont le travail inlassable est un feu calme de dévoilement.
(A lire bientôt aux éditions Arnaud Bizalion Mise au point, recueil d’entretiens que nous menons depuis plus d’un an)

Tu parles toujours à partir d’un silence contre lequel tu te briseras.
Il n’y aura jamais eu, derrière et devant nous, que le même silence.
Le premier. Edmond Jabès

Les mystérieux arrangements des lettres
Si nous ne pouvons pas créer la voûte céleste,
c’est parce que nous ignorons
les mystérieux arrangements des lettres
avec lesquelles les cieux et la terre furent conçus.
Si nous ne pouvons empêcher la lumière de s’éteindre,
c’est parce que la combinaison des lettres qui la sauverait des ténèbres,
nous est inconnue.
Si nous ne pouvons, ô mort, que te considérer comme l’absurde
et douloureuse échéance de toute existence,
c’est parce que nous ne savons grouper selon la vie,
les lettres qui feraient de toi, non point son achèvement,
mais son levain. Edmond Jabès

Tu es celui qui écrit et qui est écrit. Edmond Jabès

Personne ne témoigne pour le témoin Paul Celan

Auprès
De mille idoles
J’ai perdu un mot, qui me cherchait : Kaddisch. Paul Celan

Passe en revue
Les lettres de l’âme mortelle-
Immortelle de ces lettres,
Va vers Aleph et Youd et va plus loin. Paul Celan

Il Y AVAIT
un air de figue sur ta lèvre,
Il y avait
Jérusalem autour de nous,
Il y avait l’odeur de pin blond
Sur le bateau danois, auquel allait notre gratitude,
Il y avait moi en toi. Paul Celan

Une vague revient toujours, et elle est toujours différente.
C’est la même eau, mais c’est une autre vague.
L’important, c’est que c’est une vague.
L’important, c’est qu’elle revient.
L’important, c’est qu’elle revient toujours différente.
Le plus important de tout : si différente soit-elle en revenant, elle revient toujours en vague de la mer. Marina Tsvetaieva

Dans la plus belle des nuits étoilées. La fraîcheur tout autour s’épanouit. Et sur le mont transfiguré. Une incandescence élevée jaillit. Ingeborg Bachmann

Ma patrie est morte
ils l’ont enterrée dans le feu
je vis dans ma terre maternelle
le mot. Rose Ausländer
Didier Ben Loulou, De la lettre à la vie, exposition à la galerie Gérard Lévy (Paris), du 5 mars au 9 avril 2019

Fin du monde
il y a pleur sur le monde,
comme si le cher Dieu était mort,
et l’ ombre de plomb, elle tombe,
pesant le poids des tombeaux.
Viens, nous voulons nous cacher encore plus près…
La vie repose dans tous les cœurs
comme en un cercueil.
Toi! Nous voulons nous embrasser profondément-
il bat une nostalgie ardente en ce monde,
pour cela nous devons mourir. Else Lasker Schüler
qui aurait pu penser qu’une incandescence pareille pourrait jamais sortir d’un blog? Comment vont-ils faire avec les images et les mots de Ribery dans 1000 ans?
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