
Caroline Perreau, responsable des éditions h’artpon, ne fabrique pas de livres, comme tant d’autres, pressés par les lois du marché, mais des écrins précieux avec et pour les artistes qu’elle aime.
Son dernier ouvrage d’orfèvrerie est la première monographie de la street-artiste Madame. Il est intitulé avec malice Madame se livre.
C’est un territoire où se perdre, où rêver, où fantasmer, comme si Méliès rencontrait Hannah Höch et Jacques Prévert sur les murs du monde entier.

Donc de l’humour, de l’impertinence, des visions, du collage, de l’art pour le peuple.
De la clandestinité, des combats de boxe en pleine rue, des papillons.
Des bombes, des planches d’anatomie fantasque, du surréalisme.

Des nonnes portant moustache et des sphinges dangereuses pour la raison.
Des petits vélos dans la tête, des danses macabres et des pluies de fraises.
Et des phrases par dizaines, belles et mystérieuses comme des koan zen : « A graver le vent dans la pierre on se fera geôlier et non sculpteur »

« Il préférait se déguiser en chat pour ne pas avoir à se mouiller… »
« Parce qu’à tout calculer l’on faisait de nos vies des équations indéchiffrables »
« Pour être peureux vivons cloîtrés »

Le cabinet d’amateur n’est plus une petite affaire personnelle, mais une chambre ouverte à tous, dont les dimensions sont celles d’un éveil ininterrompu.
Madame se livre est un hommage à l’imagination, à la puissance performative des images, au verbe créateur.
Tout y est théâtre, scène, forêt de symboles.

Tout y est ésotérisme, formules secrètes, plaisirs d’enfant.
Madame s’expose, fait pirouetter son apparence, nous égare dans la labyrinthe de ses enchantements.
Madame est littérale, allégorique, fantastique, érotique.

Il n’y a plus de cloisons, mais des espaces s’ouvrant au cœur des villes.
Les ciseaux caressent les yeux, fouillent dans le grenier de l’enfance, y découvrent des bijoux, des manteaux de velours, des objets étranges et très intimes.
Madame monte sur une échelle, on peut voir sa culotte, qui est une petite barque flottant sur l’océan des rêves.

« Les notions de jeu comme de plaisir, avoue l’artiste à Karen Brunel-Lafargue, sont inhérentes à mon boulot. La dimension charnelle se retrouve bien sûr dans la manipulation des pièces d’atelier, mais aussi dans l’action de coller en plein jour. »
La colleuse est une illusionniste sensualiste, « car le paradis ne se caresse pas de loin ».
Madame, Madame se livre, interview par Karen Brunel-Lafargue, h’artpon éditions, 2019, 320 pages