
Un jour, le 11 mars 2011, le Japon a failli disparaître, la région de Fukushima étant dévastée par un tsunami endommageant ses centrales nucléaires.
Un jour, ailleurs, en Angleterre, aux Etats-Unis, en France, le beau pays de notre enfance sera peut-être évacué, contaminé pour des centaines d’années.

En attendant, il y a le soin que nous pouvons apporter au paysage, aux éléments de la nature, aux autres, à l’entièreté du vivant.
En attendant, il y a un livre plein de grâce et de délicatesse, Voyage en pays du Clermontois, du photographe espagnol Israel Ariño.

Une campagne souveraine, des couleurs très douces faisant songer à des autochromes.
Nous sommes indubitablement ici et maintenant, mais aussi ailleurs, dans un souvenir sans nostalgie, dans un passé qui ne passe pas et se réinvente.

C’est la magie blanche du pinceau de la nature ne cessant de se renouveler dans le cycle des saisons.
Livre à la couverture cartonnée peuplée de veinules, de rhizomes, de réseaux de racines, Voyage en pays du Clermontois est un ouvrage silencieux et bénéfique.

Denken ist danken, dit-on en allemand : penser, c’est remercier.
Photographier peut être aussi une révérence, un agenouillement modeste, une humilité dans la puissance.

Quelques ramures, des suspensions de fleurs comme dans une estampe japonaise.
Des pointes de vie, des épanouissements secrets, du végétal aspiré par le ciel.

Il pleut certainement ce jour-là sur le marcheur muni de son boitier de mélancolie, dégoulinant, piteux et pourtant ravi.
Le cheval impassible s’en amuse, il est là depuis des siècle, regardant passer, invariables et nouvelles, des générations d’homoncules.

La terre est grasse, lourde, féconde, c’est le ventre épanoui d’une femme enceinte.
Elle peut être drôle aussi, habitée de traces anthropomorphes, ainsi deux monticules évoquant des seins, ou des yeux globuleux.

Le photocalligraphe poursuit sa route, seul, dans les champs et les sous-bois.
Tiens, il y a des Indiens.

Peut-être s’agit-il des petits-enfants des Frères Lumière n’ayant jamais grandi d’avoir pris la tangente du grand livre de l’Histoire.
Calme souverain de cavaliers dans un manège équestre, de billots de bois attendant qu’on les sépare définitivement, d’une chaumière isolée, de quelques ruches posées loin du trafic et des manigances des hommes.

On est bien dans le livre d’ Israel Ariño, on prend le temps de vivre et de respirer, on se reconstruit dans le sauf.
La nature possède ses lois, sa géométrie, sa logique d’organisation.

Le photographe ne dérange rien, passe en effleurant du regard les sillons et les haies, le quadrilatère d’un terrain de sport et les bosquets en conversations.
Voyage en pays du Clermontois, fruit d’une résidence de création ayant eu lieu entre juin 2017 et décembre 2018 dans le département de l’Oise, est un livre intime, sans tonitruance, une ode au simple et à l’humour involontaire du quotidien.
Un livre plein de sagesse et de modestie, continuant Corot par les moyens de la voyance moderne.
Israel Ariño, Voyage en pays du Clermontois, avec la collaboration de Clara Gassull, Ediciones Anomalas / Diaphane Editions, 2019, 42 pages
Inauguration le samedi 28 septembre à l’espace Le Quadrilatère (Beauvais) à 15h
Vernissage Israel Ariño même jour à l’espace Séraphin Louis de Clermont-de-l’Oise à 11h
