
« I’d rather have a gun in my hand than a cop on the phone »
C’est un livre carré, de grand format, à la puissance visuelle indéniable.
Chaque photographie soulève une émotion, une interrogation, des abîmes de perplexité.

Nous sommes perdus, nous sommes aliénés, nous persistons dans nos douleurs, mais nous sommes aussi follement libres, d’aimer, de détester, de vivre nos désirs, de sombrer dans la mélancolie.
Et nous errons dans le Tennessee (Etats-Unis), avec les yeux de Mike Smith écrivant en images Warning Shots (Kehrer Verlag).

Il est difficile de comprendre qui l’on est, où nous mène notre vie, quelle est l’inconcevable existence des autres.
Pour trier un peu, inventer des lignes d’orientation, mêmes brisées, il y a l’art, le regard précis et sensible de qui croit au pouvoir de clarification par la forme et la pensée-livre.
Ici, dans le Sud, sous le drapeau des Confédérés, on hisse facilement les cordes, comme on pointe son gun sur l’étranger indésirable.

Beauté des contreforts des Appalaches, misère du petit peuple de la ruralité, sentiment de solitude et de déréliction générales.
Comme quelques amis, notamment à Bruxelles (ils se reconnaîtront), Smith s’intéresse aux chats perdus, qui sont des autres lui-même, des frères sans véritable refuge.

Le racisme est endémique, et c’est tous les soirs la nuit des morts-vivants.
Se vivre comme une cible ayant les yeux crevés.
My little bitch, retournons la violence d’armes en violence de caresses, et rejoins-moi vite sur la banquette arrière de la Cadillac, ou du pick-up Ford.

Trump-me, I love him baby !
Il est temps de retrouver notre fierté, Lord, ô sweet Lord.
Eh l’ami, my friend, mon pire ennemi, si tu vois le Tennessee comme le pays des dégénérés, des bouseux et des enfants obèses, tu n’as pas tort, parce que c’est pire encore.
Livre vaudou, Warning Shots ne discourt pas, mais flingue à vue.
Mike Smith, Warning Shots, textes Diana C. Stoll, Eric Paddock, design Mike Smith & Loreen Lampe, Kehrer Verlag, 2019, 84 pages
