
Le Château de Mallebois, en Eure-et-Loir, est, comme il se doit, entouré de bois profonds.
On y croise encore, comme dans les poèmes de Gérard de Nerval, des âmes noires tenant par la bride de superbes chevaux.
La futaie est épaisse, qui abrite le temps lui-même en son ordre séculaire.

Qu’il vente, pleuve ou neige, rien ne semble distraire les épaisses tourelles.
Ici, les rôles sont établis depuis bien longtemps. C’est un confort, comme de porter un costume fait sur mesure, qu’on soit châtelain, enfant de lord ou lièvre du dimanche.
Chacun est à sa place, la pièce se jouant inlassablement depuis vingt ans, sous l’œil complice et distancié du photographe britannique James Hill, époux d’une noble dame.

Ecrit en noir et blanc, The Castle est un conte français au parfum anglais, une île de pierre et de verdure protégée par la brume.
Vivre en un tel lieu construit de la prestance, du prestige, et du mystère.
Espace clos, Le Château est pourtant aussi un vaste champ d’interactions, point de focalisation pour les villageois alentours.

Voyageant partout dans le monde pour la presse écrite, James Hill a trouvé ici un socle, une stabilité, une puissance de tradition et d’immuable.
Les champs sont impeccablement labourés, le temps est froid et sec, la chasse sera parfaite.
Les chiens font leur office, allant chercher depuis des siècles avec le même entrain, perdrix, faisans et bécasses.

Amis qui n’êtes point renard, lapin de garenne ou de la gent ailée, ne craignez surtout pas la meute.
Un enfant est allongé dans le ciel, sur la branche énorme d’un chêne pluricentenaire, qui pourrait être un arbre photographié par Sally Mann en Virginie.
James Hill alterne entre intérieur et extérieur, entre un bouquet de fleurs posé sur une nappe couvrant une table ronde et des jeux dans l’herbe, entre un bébé exerçant sa motricité sur un lit et une chapelle, entre une maman se servant du thé et une petite fille soufflant sur une fleur de pissenlit.

Sous le regard des ancêtres, et des trophées de chasse, des tableaux empoussiérés et des bustes sévères, Le Château invente de nouveaux chemins de vie, entre sentiment de désuétude aristocratique, et grandeur d’une lignée familiale.
James Hill, The Castle, design Hannah Feldmeier, texte en anglais Kehrer Verlag, 2019, 144 pages
