
Née à Kinshasa (République Démocratique du Congo) en 1985, Willys Kezi a trouvé en la galerie Eric Dupont (Paris) un lieu favorable à sa belle démesure.
Son œuvre est une célébration de la femme africaine, libre, indépendante, drôle, et parfois, souvent, cruellement confrontée au déni de son intelligence, l’artiste la représentant régulièrement de manière acéphale.
Les belles dames sont ici callipyges, à la fois pudiques et sensuelles, portant talons hauts et boubous.

Les couleurs explosent, ce sont celles d’une quotidienneté ne craignant pas la lumière, ni le rire franc.
Des clichés culturalistes ? Non, la modernité d’un continent en avant, porté par des femmes à la puissance vertigineuse.
Quelques titres d’œuvres : Je sui bio, fière et noire ! Mattondo papa & maman, J’arrive pas à forger mon identité, Sexy mais avec un cerveau, Ouvrez les frontières, Lire pour savoir, savoir pour pouvoir, Chéri Willy.

On le lit, le projet est humaniste, fraternel, généreux, et de profond questionnement identitaire.
Le monde appartient aux femmes, c’est-à-dire à la beauté de la vie par-delà la mort.
Les fesses et les seins sont ronds, appétissants, mais attention, la chair est érudite, sur laquelle s’inscrivent des textes à déchiffrer, des dessins, des écritures, des signes.

Willys Kezi invente la femme palimpseste, cultivée et terriblement sexuée, naturellement, savamment, l’air de rien.
Sa peinture est érotique, ironique, combattive, mais sans mépris, ni doigt pointé accusateur, bien plus libre et folle que le discours de la militance.
Empruntant son esthétique aux codes de la cuture populaire, l’artiste congolaise s’interroge sur la notion de beauté, de propre, d’hybridation et d’aliénation.
Sous le maillot de bain serrant, il y a le corps d’une société en tension, des slogans, des avertissements : « Attention, Travaux »

L’Europe tend les bras. Est-ce pour accueillir des frères et sœurs de galère ou construire de nouvelles barricades ?
Une odalisque se tient droit sur un divan, elle a perdu la tête.
« Il n’y a plus de politique africaine de la France » (discours d’Emmanuel Macron), mais pourquoi soudain cette étrange Tour Eiffel jaune ?
Des costumes européocintrés rencontrent des coiffes de léopard, c’est la Françafrique, monsieur, madame, chers petits enfants.
La femme est belle, et les billets pleuvent, ou les coups : à partir de combien d’euros la dignité est-elle à vendre ? à partir de combien de pleurs, de rage, de colère ?
La femme est l’avenir de l’homme, mais n’est-elle pas pour le moment, dans les yeux de ses consommateurs, un déchet, une proie, rien ?

La voici sur le marché, faisant ses courses, portant dans un sac l’ensemble de ses problèmes.
Brigitte Bardot est une Vénus noire, sublime et exploitée, mais, à n’en pas douter, c’est elle qui, in fine, est un espoir pour tous.
Willys Kezi, Bonzenga, texte Olivier Kaeppelin, édition galerie Eric Dupont avec le soutien du Centre national des arts plastiques, 2020
