
Paris bonjour au revoir, de Benoît Grimalt est un livre simple – pourquoi pas ? – paru chez les très inventives éditions Paris-Brest, sises à Nantes.
Son principe en est perecquien : traverser Paris du Nord au Sud en n’empruntant que des rues, avenues, places, boulevards, commençant par la lettre C – mais aussi la S/Ceine -, idée exprimée par l’auteur de La Disparition dans Espèces d’espaces en 1974.
Voici donc un trajet en photographies et mots entre la porte de Clichy et la porte de Choisy.

Elles pourraient être banales ces images – et alors ? -, si chaque fois un détail ou un ensemble de signes ne venait questionner le regard.
Pas très glamour la porte de Clichy, et pourtant que de stries, que de lignes, que d’informations, que de traces diverses, sur le sol, sur les murs, sur les poteaux indicateurs, organisés en une sorte de capharnaüm calme entrelaçant les strates temporelles.
Transitions subtiles entre les images, là un bout de voiture, là une grue, là un arbre reprenant la verticale.

Benoît Grimalt s’amuse, mais attention, il est très sérieux, photographiant une nature morte de canettes de bière et de coca, la désignant ainsi « Ecole de Paris ».
La rue va, l’ anti-moraliste allègre note des scènes, qu’il ne photographie pas forcément.
Des affiches de films datent les prises de vue (Fatima, de Philippe Faucon), mais surtout, dans le plus ordinaire de ce qui se joue là, sur le macadam, il y a des intersignes, ce magico-existentiel si cher à André Breton.

Mais Monsieur Grimalt n’est pas Artaud, il n’en rajoute pas dans le délire prophétique, il est là, c’est tout, sûrement mal réveillé, un peu ailleurs, le sac à dos de travers, et c’est parfait.
On marche avec lui dans son beau manuel de détourisme (pour comprendre, lire toutes les œuvres de Frédéric Barbe aux éditions A la criée).
Paris lit, s’accoude, skate, flâne, prend la pose, bouchonne.

Tiens voilà Capucine, boulevard des Capucines.
Tiens, voilà Théophile, Prince des Poëtes, grignotant un petit quelque chose rue du Cardinal Lemoine : « A la boulangerie La Parisienne, j’achète un éclair à la vanille pour reprendre des forces. »
Fantômes de Joyce, Hemingway et Grimalt le Grimaldien traîne-savate de l’avenue du duc de Choisy.
Paris bonjour au revoir est un hommage oulipien à Françoise Sagan.
Peut-être.
Benoît Grimalt, Paris bonjour au revoir, éditions Paris-Brest (Nantes), 2020 – 100 exemplaires numérotés
Je me souviens de post-situs qui avaient créé l’Ouranpo (Ouvroir de randonnée potentielle). Les parcours reposaient sur le même principe, ou alors une rue à droite, puis deux rues à gauche, puis une à droite (toutes variations possibles), ou alors des noms de rues sans E (Perec, bien sûr) ou avec un A…
J’aimeJ’aime