© Louis Faurer Estate, Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York
Entre 1930 et 1960, New York est pour la sphère photographique une ville phare, symbole de modernité et de liberté.
Une nouvelle subjectivité s’impose, accompagnant l’émancipation du corps, notamment dans la stylistique de la photographie de rue.
Les représentants de ce que la critique patentée a appelé « L’Ecole de New York », artistes s’inventant dans l’interdisciplinarité et la confrontation directe avec la ville puissante, sont pour la plupart légendaires : Lisette Model (1901-1983), Helen Levitt (1913-2009), Louis Faurer (1916-2001), Robert Frank (1924-2019), Diane Arbus (1923-1971), William Gedney (1932-1989), Saul Leiter (1923-2013), William Klein (né en 1928), Bruce Davidson (né en 1933)…
© Bruce Davidson / Magnum Photos, Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York
Pour la première fois en Europe, une exposition au Pavillon Populaire de Montpellier (catalogue chez Hazan) montre la concordance et la diversité des hérauts américains de cette période historique.
Gilles Mora est bien entendu aux manettes, on peut se laisser piloter, tout va bien.
« Alors que je découvrais, écrit the great Howard Greenberg, co-commissaire de l’exposition, le formalisme impeccable des modernistes, chez Edward Weston ou Ansel Adams par exemple, et les expérimentations avant-gardistes des Européens, Laszlo Moholy-Nagy et Man Ray notamment, j’intériorisais également le mordant, le musc, l’humanisme profond de ces jeunes immigrants qui surent s’adapter pour survivre, vivre et prospérer dans les rues de New York. »
© David Vestal, PHOTO COURTESY ROBERT MANN GALLERY, NEW YORK
La New York School exprime l’essence de la jungle new-yorkaise, sa trépidation, son urgence, sa diversité.
« L’essor de la New York School découle aussi, poursuit le galeriste réputé, des progrès technologiques de Kodak et d’autres fabricants de pellicules et de papiers photographiques. En photographie, l’esthétique et l’art ont toujours été le résultat du mariage de la technologie et de la créativité. Après la Seconde Guerre mondiale, les films Tri-X et leur sensibilité de 400 ASA arrivèrent sur le marché. Concrètement, cela voulait dire qu’on pouvait prendre une photo dans la rue, de nuit, ou dans une salle de cinéma sombre, même à la lumière d’une seule ampoule. »
Chaque photographe, depuis le précurseur Ben Shahn (1898-1969), est présenté en quelques images, invitant l’amateur curieux à prolonger par des recherches personnelles cette première vision.
© Howard Greenberg Gallery, New York
Les corps occupent l’espace comme s’ils s’agissaient de danseurs, ou de comédiens, ou de sculptures vivantes.
Ils sont grotesques chez Lisette Model, sensuels et populaires chez Sid Grossman, inquiets et joueurs chez Helen Levitt, ardents et tendus chez Leon Levinstein.
Pas d’anecdote mais un double sentiment d’abstraction et d’universel dans ce qui arrive dans et par l’objectif photographique.
Des rais de lumière symbolisant la folle énergie new-yorkaise chez Ted Croner, des instruments de locomotion (des jambes) chez Sy Kattelson, des vertiges de vision chez Louis Faurer, des fantômes chez Dave Heath, des natures mortes colorées, ou en noir & blanc, chez Saul Leiter.
© Saul Leiter Foundation, Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York
« C’est peut-être Bruce Davidson, analyse Gilles Mora, qui vient synthétiser au mieux, en cette fin des années 1950, à travers son reportage sur le « Gand de Brooklyn », l’esprit d’une génération nouvelle, mais aussi celui de l’Ecole de New York. A travers ces images de « teenagers », à la fois sombres et tendres, réalisés dans une lumière souvent insuffisante, plus attentives aux chorégraphies des corps qu’à leur saisie immobile, Bruce Davidson mêle habilement les lois d’un reportage classique, dans lequel la série l’emporte sur l’image isolée, avec une immersion au sein de son sujet, qu’on retrouvera déjà chez William Gedney, et qui s’amplifiera dans l’œuvre de Diane Arbus. »
De fait, les photographies de Bruce Davidson sont peut-être les plus intenses, les plus émouvantes, les plus fiévreuses.
Tout est à (re)découvrir.
The New Yorl School Show / L’école photographique de New York, 1935-1963, préface de Michaël Delafosse, textes de Howard Greenberg et Gilles Mora, éditions Hazan, 2020, 144 pages – 150 illustrations environ
© Dan Weiner, Museum Purchase, International Fund for Concerned Photography, 1974
Catalogue officiel de l’exposition éponyme au Pavillon Populaire, Espace Photographique de la ville de Montpellier – du 7 octobre 2020 au 10 janvier 2021
© Catherine Croner, Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York