© Mayumi Hosokura / Louis Vuitton Fashion Eye
Très utilisé depuis le VIIe siècle dans la teinture des vêtements, le bleu indigo (ao/aoi), dont il existe près de quarante-huit valeurs, est l’une des couleurs les plus emblématiques du Japon, symbole de faveur.
Dans les arts, particulièrement dans le kabuki, le bleu clair, dont on se sert aussi pour peindre les poètes, représente l’élégance et la culture.
C’est ainsi que la photographe Mayumi Hosokura voit Kyoto, dont le livre publié chez Louis Vuitton dans la collection Fashion Eye, est un éloge de l’esprit fait forme en ses nuances de bleus.
© Mayumi Hosokura / Louis Vuitton Fashion Eye
Kyoto est une ville irriguée par la rivière Kamo, mais c’est aussi une cosa mentale, un cristal, une roche de lumière spéciale, onirique, intérieure.
Le bleu est unificateur, qui nimbe d’idéalité l’ensemble des dix mille choses, les visages, les bambous, les kimonos, les dos nus, les anciens lisant le journal.
La sensualité est ici un effet de la spiritualité, une grâce, un voile de pudeur ouvrant sur le mystère de la présence.
© Mayumi Hosokura / Louis Vuitton Fashion Eye
Les cerisiers en fleurs sont les éléments d’un conte initiatique.
Les vaguelettes de la rivière sont les petits cailloux ratissés d’un temple liquide.
Les kamis sont partout, il faut les célébrer, le bleu leur va bien.
C’est un adolescent au visage diaphane, ou une adolescente quelques pages plus loin.
© Mayumi Hosokura / Louis Vuitton Fashion Eye
Une tour de télécommunication.
Un cheval.
Une bataille de poissons affamés.
Des lentilles d’eau.
Tout est délicatesse, musique fine, art du toucher.
© Mayumi Hosokura / Louis Vuitton Fashion Eye
Y aurait-il un regard proprement féminin ?
Kyoto ne craint pas les ombres, ni d’inverser les polarités : le présent est passé, le passé est présent.
Eloge des cinq éléments – bois, feu, eau, terre, métal – par le sixième qui est le don d’inspiration.
Mayumi Hosokura a pensé son livre comme on accueille le pèlerin aux abords d’un temple shinto, dont les dimensions sont ici celles d’une ville de nature amniotique.
© Mayumi Hosokura / Louis Vuitton Fashion Eye
L’organicité de son travail relève d’une expérience de brassage des images inconscientes, s’épousant, s’informant, dialoguant, comme des îlots ou des formes flottantes entrant en interaction.
Conversant avec l’artiste, designer et éditeur Damien Poulain, la photographe née en 1979 se confie : « Je voulais exprimer le charme spirituel, quoique charnel, de Kyoto. J’ai donc photographié les choses qui me l’évoquaient. L’eau est un élément central de ce travail, en ce qu’elle est liée à notre sexualité. Je trouve d’ailleurs très intéressant que Kyoto abrite le quartier de Gion, dont la vie noctambule inspire la sensualité à bien des égards. J’ai aussi beaucoup réfléchi à une manière tactile de retranscrire ce trait. J’ai immortalisé les gens et la ville comme autant de caresses à la surface de l’eau. Ce sentiment se manifeste tout particulièrement dans le cas de mes photos nocturnes de la ville et de celles de mes amis, dont les visages sont éclairés par les lueurs de la nuit. »
En effet, Kyoto est un livre haptique, dont la douceur est une puissance de charme.
Mayumi Hosokura, Kyoto, edited by Damien Poulain, editorial director Julien Guerrier, editor Valérie Viscardi, editorial officer Anthony Vessot, Louis Vuitton, collection Fashion Eye, 2021
© Mayumi Hosokura / Louis Vuitton Fashion Eye