Buster Keaton sous Tranxène, par Christophe Esnault, écrivain électrique

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Passe_legumes

Dans la résilience et le coton neuf

« Cher Christophe Esnault, vieille fripouille, désespoir de la psychiatrie française, et de l’antipsychiatrie, affreux psychotique,

Je sais que tu es l’un de mes lecteurs les plus assidus, si ce n’est les plus fervents, et je te remercie de m’envoyer de tes nouvelles régulières, même anciennes, ainsi ton livre de 2015, publié chez Les doigts dans la prose, Correspondance avec l’ennemi.

Tu me rappelles l’importance du moulin à légumes Moulinex, de la purée de maman, du fer blanc, quand le mixeur au bruit épouvantable pulvérise aujourd’hui sauvagement les patates du jardin de papy.

Tu es sacrément obsédé, sexuellement dépendant, et j’ai super bien fait d’apprendre à lire, comme tu dirais.

Hier soir, l’écrivain Jean-Philippe Rossignol, qui est aussi un excellent comédien, a lu chez moi devant des amis avinés quelques-unes de tes lettres, à Leroy Merlin, à Télérama, aux éditions du Sonneur, à François Hollande, à Chloé Delaume, au Crédit Agricole, à Leader Price, au S.A.V. Tefal, à Barilla, à la Belle des Champs, à Joey Starr, et franchement c’était poilant.

A France Inter : « Autrefois j’allumais le poste branché sur votre fréquence dès le réveil. Je remettais ça le soir après le boulot. L’antenne était cassée et je l’avais remplacée par une fourchette. Comme je n’avais qu’une seule fourchette, je ne pouvais pas vous écouter en mangeant mes pâtes (ou alors, je refixais l’antenne entre deux bouchées). Je mettais souvent des coups de pieds dans le poste, furax d’entendre autant de conneries. Un jour, il n’a plus fonctionné. Ça m’a semblé complètement débile d’en acheter un autre. »

Au Docteur Tournier : « Ma nana s’est tirée. Cinq jours après, j’avais des plaques rouges inquiétantes sur tout le torse et sous le bras. Je me doute que vous allez me conseiller une batterie de test pour dépister les allergies ou me filer l’adresse d’un dermato, alors que la cause est forcément psychosomatique. J’ai voulu prendre un rendez-vous, mais il faut attendre dix jours. J’ai laissé tomber. Au passage, je vous signale que votre secrétaire fait systématiquement la chasse aux bénéficiaires de la CMU. Je n’ose pas aborder ça frontalement avec vous, parce que je risque d’affirmer les convictions (je n’ai pas la prétention d’être de gauche), et au passage de vous traiter de facho. »

Aux vilains de chez Colgate : « Y avait une promo. J’ai acheté votre lot de deux tubes Triple Action. Le fond du premier tube s’est décollé et j’ai mis plein de dentifrice sur mon pull et mon froc à cause d’un type qui n’a pas fait son boulot dans votre usine de merde. En même temps, je soutiens le sabotage des employés sous-payés, mais là, il se gourent de cible. »

Au Manager de l’IUFM : « Ta Scenic sera la première à cramer. »

A Philippe Poutou : « J’ai suivi un peu ta campagne présidentielle, tu as dû vachement tirer sur le bédo avant de répondre aux journalistes. Moi aussi, je fume un maximum. De l’herbe locale cultivée sous néon. »

A Eric Pessan, humaniste : « Ça a l’air bien tes ateliers d’écriture. J’écris des poèmes xénophobes rimés. Je peux m’inscrire ? »  

Merci Christophe pour tant de justesse dans tes propos, pour ton ultrasensibilité, pour ton panache dans le mauvais goût, pour ton innocence, et, vraiment, crois-moi, tu n’as rien d’un acarien.

Eh, tu m’enverrais prochainement Isabelle à m’en disloquer ?

Fidèlement,

Fabien »

Couv-Correspondance-avec

Christophe Esnault, Correspondance avec l’ennemi, Les doigts dans la prose, 2015, 158 pages

Les doigts dans la prose – site

Ecouter le groupe Le Manque (Christophe Esnault et Lionel Fondeville)

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