©Olivia Lavergne
« Les parfums roulaient les uns sur les autres, c’était l’heure où les esprits de la forêt tenaient leur assemblée, pour savoir comment, demain ou au siècle prochain, serait répartie la lumière entre les êtres vivants. » (Bérengère Cornut)
Nous avons besoin de renouveler notre rapport à la nature, notre lien à l’environnement, notre pacte avec le vivant.
Il faut nous inspirer des imaginaires des peuples, de leur façon d’habiter la Terre, de leurs pratiques symboliques, de leurs prières, et inventer de nouveaux rites, d’autres remerciements, des gestes de gratitude inédits.
©Olivia Lavergne
Participant d’une réflexion concernant notre façon de nous situer dans le Tout-monde des forêts, Jungles, d’Olivia Lavergne, publié avec soin et puissance par les éditions Light Motiv, est de ces livres qui, par leur lumière, leur inventivité, leur mystère, marquent durablement la psyché.
Ayant rencontré les Mentawaï, population des îles Mentawaï situées en Indonésie, appelés « hommes-fleurs » pour leurs parures de fleurs d’hibiscus, la photographe est entrée en complicité avec ce peuple de chasseurs-cueilleurs semi-nomades, dont elle scénarise la présence en ses rectangles de visions.
Et la voici se représentant en vêtements de couleurs vives – des monochromes – dans l’émeraude d’un ensemble végétal paraissant impénétrable, inconnaissable, éminemment secret.

On respire à peine, la peau est moite, liquide, tout bruit de sons étranges et beaux.
Tout est concret et tout est fiction : comment départir le rêve de la réalité ? On est ici dans un conte vert, dans une enluminure, ici et ailleurs.
La magie des lieux est accentuée par les éclairages intenses, comme dans un studio de cinéma alors que nous sommes au cœur d’un écosystème naturel.

Les détails des fleurs, des plantes, des lianes, des peaux humaines sont soulignés.
Alice/Olivia est passée de l’autre côté du miroir, égarée dans un monde inconnu, étrangère radicale parmi les entités végétales.
La photographe voyageuse se met en scène, héroïne d’un film noir à la John Huston, pourchassée, traquée – par elle-même ? par la civilisation ? par des indigènes hostiles ?
©Olivia Lavergne
Il y a des lueurs étonnantes, le bateau de la jungle est ivre, les vapeurs annoncent des apparitions.
Les paysages sont inspirés, défilant comme dans une séquence filmique onirique.
On épie, on est épié, on se cache, on est révélé.
©Olivia Lavergne
Olivia Lavergne n’est pas Kourtney Roy, mais nul doute que la fantasmagorie cinématographique des grands films d’aventure n’ait marqué profondément son regard, et sa photogénie.
Imaginant une nouvelle en deux parties, accompagnant les deux vastes diptyques d’images conçues par Olivia Lavergne (la jungle et l’héroïne / la jungle et les autochtones), Bérengère Cournut écrit, après avoir fait l’éloge des Mentawaï : « Un matin, il a été dit que je devais retourner chez moi pour porter un message. J’ai accepté, parce que j’avais l’impression que c’était mon propre cœur qui venait de parler. »
Ce message s’appelle Jungles, il y fait chaud sous les projecteurs, on y vit à peu près comme au matin du monde, mais ne cherchez pas précisément sur les cartes de géographie ce paradis premier, vous ne le trouverez pas si vous n’êtes pas initié.
Olivia Lavergne, Jungles, texte de Bérengère Cournut, avant-propos de Xavier Canonne, design graphique Nolwen Lauzanne , éditeur Eric Le Brun & Elodie Collet, Editions Light Motiv, 2021, 96 pages
Olivia Lavergne est représentée par la galerie Insula (Paris / Ile d’Yeu)
Exposition du 3 juin au 10 juillet 2021