Dans l’ascension du chant, par Thibault Biscarrat, poète

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« Des milliers de chants s’enroulent en des soieries de bonheur. Des milliers d’êtres s’abreuvent au plus près de la source et cheminent. Un, éternellement, parmi la grâce d’être né, voici le délice des mots, des saisons, de l’extase d’être là, jeté au monde. »

Si l’on considère que le lyrisme est essentiellement célébration du génie de la langue comme donation et création, Chant continu, de Thibault Biscarrat, est un livre au lyrisme absolu.

On est ici du côté du mythe, de l’hymne pindarique, de la lumière originelle.

A quel moment le néant est-il devenu cri ?

Pourquoi le ciel soudain est-il devenu parole ?

Le premier homme fut-il le premier poète, ou fallut-il attendre que s’accomplisse en lui un retour vers le mystère de son origine ?

Chant continu est composé de visions tourbillonnant en spirales, d’illuminations rimbaldiennes, de feu johannique.

Chacun puisera en ce recueil des phrases pour traverser le temps maléficié, et agrandir en lui la sensation d’existence. 

Quelle densité de silence et d’écoute faudra-t-il pour que le dernier dieu évoqué par Heidegger se présente enfin à nous ? Quelle profondeur de gratuité ? Quelle innocence ?

Il faut reprendre la lecture de Paradis de Philippe Sollers, et continuer avec lui, avec ceux qui comptent, avec Thibault Biscarrat maintenant, l’ascension vers le simple et la plus haute science.

Nous sommes embarqués, l’écriture est devenue notre destin, elle nous engage.

Lire Dante au-delà de l’Enfer, lire Lautréamont au-delà des Chants de Maldoror, entendre le battement du neuf dans l’ancien, la joie d’être dans la glu de la désespérance.

Le royaume est là, c’est une puissance de lumière vénitienne, une ode océanique, la victoire des empires catholiques lors de la bataille de Lépante.

En sa couverture jaune dorée, byzantine, Chant continu pense l’unité par la jouissance du verbe et le frappement du thyrse dans les mains qui composent.

L’impératif est une caresse, ferme : « Ecris dans la grâce de la parole naissante, saisis ta chance, n’abdique pas en chemin. Il n’y a pas d’autre voie, il n’y a plus d’autre espoir. Tout chante, tout s’écrit. Tout survient dans le sang mêlé de silence, dans le sang brassé de vertige. La terre absout la faute, la terre choisit l’encre. »

Cette vitesse, cette pulsation, cet alléluia n’est-il pas également celui du grand Kerouac ?

L’encre parle, alors que s’élève une barque égyptienne.

Faveur, chance, gloire, amour, extase, joie, prière, infini, incarnation, épiphanie, rosée, coeur.

Tout vient sans cesse, tout brûle, tout sauve.

Il suffit pour cela de chanter dans le vaste : « Le chant est notre unique recours. Le chant sacralise, apaise. » 

On entend le kyrie eleison.

C’est le chant des chants, la levée de l’Océan.

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Thibault Biscarrat, Chant continu, graphisme et mise en page Christophe Linage, Conspiration | Editions, 2021, 86 pages

Conspiration | Editions

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