©Didier Bizet
« Nos sommes sans doute la dernière génération à contempler nos histoires du passé imprimées sur du papier glacé. » (Didier Bizet)
Que restera-t-il pour ceux qui nous succèdent de la correspondance de nos amours, désormais entièrement numérisée, et vouée à l’oubli, à la perte, à l’amnésie ?
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Que restera-t-il du visage de nos proches une fois que l’ordinateur, le disque dur externe ou le Smartphone aura expiré ?
Il faut célébrer ceux qui comptent pour nous, leur ériger des monuments ouverts, chargés d’émotion et d’électricité affective.
Ainsi Grâce à Elle, ouvrage rassemblant des archives, des images issues d’albums de famille, des diapositives Kodachrome, pour honorer la présence d’une mère dont on refuse qu’elle disparaisse tout à fait.
©Didier Bizet
Le geste est beau, de l’ordre d’un rite de passage entre les vivants et les morts, qui pourrait être dérisoire quand le temps est une broyeuse de corps à plus ou moins long terme, mais le geste de collectage – rassembler des moments fantômes dans une architecture sensible prenant la forme d’un livre – est surtout porteur d’une foi dans le document, dans le travail de mémoire, qui bouleverse et oblige.
Un fils, le photographe Didier Bizet, est à la manœuvre, qui, compilant des albums de famille, reconstruit, dans une vision plus large que la stricte chronologie, ce qu’il en fut d’une vie d’un être aimé.
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Le grand-père Louis un peu dandy, le père René prenaient aussi des photographies, qui complèteront la substance d’une odyssée intime en images.
Faut-il publier un livre pour transformer le chagrin en acte de deuil ?
« Grâce à Elle, écrit Didier Bizet, est un recueil de tendresse, un défilé sentimental, une histoire de famille. Cet ouvrage s’est imposé comme une prolongation du passé, une romance dont j’ai été l’un des pensionnaires pendant plus de cinquante ans, grâce à elle. »
©Didier Bizet
Les premières images sont rudes, qui montrent le cercueil, la tombe, l’univers glacé des pompes funèbres, avant que d’autoriser un regard plus large sur le ciel, les champs d’herbe, la beauté à la fois paisible et tourmentée d’une nature répondant invariablement au cycle des saisons.
Un crucifix, une photo de mariage, un message de condoléances, des objets, la montre de la mère, et celle du père les métaphorisant.
Un appareil photo, une visionneuse, des films, des objectifs, et des diapositives légendées : Leningrad, Moscou, Transsibérien, L’Hermitage…
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Des voyages, des voitures vintage, des fêtes familiales.
Une partie de canotage datant probablement de l’époque de l’aïeul.
Les couleurs des années 1970, des scènes bucoliques, des moments à la montagne, des poussettes, une religieuse en habit.
©Didier Bizet
Il y a ici beaucoup de mélancolie, et la joie d’avoir vécu ensemble, de s’en souvenir, de transmettre des instants sauvés du néant aux plus jeunes.
Il faut tant d’efforts pour vivre, grandir, se repérer un peu.
Nous sommes des inconnus, la famille de Didier Bizet n’est pas la nôtre, et pourtant le partage dans l’hommage opère, nous conviant à une cérémonie d’images convoquant intimement notre propre généalogie.
Didier Bizet, Grâce à Elle, texte Didier Bizet, édition Révélatoer, 2021
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