La présence, l’absence, par Claude Batho, photographe

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 ©Claude Batho

Morte jeune à 46 ans, en 1981, Claude Batho a laissé une œuvre intemporelle.

En 2014 paraissait, aux éditions GwinZegal, en collaboration avec le Musée Nicéphore Niépce, une monographie superbe de son œuvre aux nuances de gris touchant l’âme.

On peut penser au mage Boubat, mais la singularité de Claude Batho est d’avoir su photographier son quotidien le plus immédiat comme s’il s’agissait de moments sacrés à partir d’un point de solitude irrémédiable.

Au commencement était la lumière, filtrée par un arbre majestueux.

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©Claude Batho

Alors que notre époque s’enfonce dans la médiocrité, sensible, politique et intellectuelle, une simple théière en fer blanc posée sur un fourneau semble sauver l’humanité entière.

Pas de groupes humains, encore moins de foule, chez Claude Batho, mais des objets regardés dans leur pleine présence, et des enfants d’une noble gravité.

La reproduction mécanique des images aura fait perdre leur aura aux choses de ce monde, que leur restitue puissamment la photographe née en 1935 à Chamalières.     

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©Claude Batho

Parce que son regard n’est pas agité, parce que le temps n’est pas considéré comme un ennemi personnel, parce que l’amour est un don de Dieu.

Deux poules sur un parquet, un pot de fleurs, une casserole avec un bec verseur sur une toile cirée.

Les natures mortes de Claude Batho sont des acmés de vie, la meilleure façon de ne pas désespérer totalement de la pauvreté et de la dureté des interactions sociales, sa poétique indiquant une direction essentielle.

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©Claude Batho

Ici, tout est grâce, attente sans angoisse, soin.

Les prises électriques ne seraient pas aux normes aujourd’hui, mais, franchement, quelle importance ?

La télévision est encore un gros œil glouton, la campagne est d’un calme olympien, les rideaux ne tremblent pas.

La société de consommation n’a pas encore tout à fait anéanti la sensation d’entièreté des objets fabriqués artisanalement, l’évier où trempent les pommes de terre n’est pas chic, les torchons pendent près du calendrier des Postes comme des écharpes de prière juives.

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©Claude Batho

Un tissu sèche sur un fil à linge, une petite fille en chaussettes blanches se tient très droite derrière une porte, alors que derrière elle le balais de Fantasia paraît prêt à s’envoler et qu’une canne pend à une poignée de porte.

Il y a du conte dans les photographies de Claude Batho, et cette dimension de jadis telle que pensée par Pascal Quignard.

La table est mise, mais pour quel festin ?

Le paysage est en dormance, l’atmosphère générale est de l’ordre d’un rêve éveillé, ou d’un état hypnagogique.

Le visage du grand-père décédé s’efface du cadre, alors que son épouse apparaît, peau parcheminée, vivante.

Les images de Claude Batho évoquent un passage, un seuil, entre le monde des disparus et des derniers habitants.

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©Claude Batho

En elles le vide, de tropisme quasi oriental, est une ressource intime.

Avant de quitter la planète Terre, la photographe aura su célébrer avec une immense délicatesse sa meilleure part.

Son œuvre est un chant de Requiem, un tombeau donnant envie d’embrasser en totalité le plus proche.

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Monographie Claude Batho, textes de Marie Gautier & François Cheval, Editions GwinZegal / Musée Nicéphore Niépce, 2014 

Claude Batho – GwinZegal

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©Claude Batho

Musée Nicéphore Niépce

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