Afrique, les lieux, les formes, l’imaginaire, la résistance, par Laura Bonnefous et Daniel Obasi, photographes

©Laura Bonnefous

Voici deux visions de l’Afrique urbaine, deux livres imposant leurs couleurs et leur puissance formelle : Kilamba, de Laura Bonnefous, et Lagos, de Daniel Obasi, publiés, comme près d’une trentaine d’autres titres, dans la belle collection Fashion Eye, de Louis Vuitton.

Située à environ vingt kilomètres de la capitale Luanda, Kilamba est une ville nouvelle d’Angola édifiée par une compagnie d’Etat chinoise, et inaugurée en juin 2011.

©Laura Bonnefous

Est-elle comme on le dit une cité fantôme, attirant peu les acheteurs (surtout de classe moyenne) ?

A contempler les photographies structurées par le vide et les aplats colorés des surfaces des immeubles, vision faisant songer au travail de Matthieu Venot, sans nul doute.

Un homme marche, perdu dans l’immensité.

La terre rouge est retournée, la fertilité s’exhibe en une multitude de barres d’habitations.

Est-ce ainsi que les hommes vivent, vivront, devront vivre ? Oui, peut-être.

©Laura Bonnefous

En attendant que l’existence invente ses chemins et fasse des rhizomes, on peut s’enchanter, si l’on a comme Laura Bonnefous le regard plasticien, des nuances de couleurs, des détails attirant l’œil, des robes blanches sur les corps des petites filles y trouvant un décor de démesure.

Des paraboles ocres, sûrement jaunies par le sable du désert, et déjà un peu rouillées, des volets fermés, du linge séchant çà et là sans trop se faire remarquer.

Alternant portraits de personnages et vues architecturales, présence des végétaux et unité du ciel sans nuage, Laura Bonnefous a construit son ouvrage selon une gamme chromatique faisant se succéder l’orange puis le vert, puis le jaune, puis le bleu, puis le lilas-beige, puis de nouveau l’orange – chaque couleur correspondant à un quartier.

©Laura Bonnefous

Il y a parfois des taches, des brisures, des incongruités marquant le passage du temps, mais l’impression est celui d’un Eden coloré un peu trop neuf, un peu trop faux, habité par une population calme, comme si chaque personne était d’essence princière.  

« Kilamba, confie Laura Bonnefous à Sylvie Lécallier dans un entretien reproduit en fin de volume, m’a confrontée à la contrainte de réaliser un travail poétique dans une ville complexe à l’environnement tendu. »

Le Lagos de Daniel Obasi est plus baroque, plus fou, plus mythologique.

Brille en ses images l’or de la réussite économique, ou de la rapacité financière, qui est aussi une matière alchimique mettant en lien les hommes et les dieux – le hors valeur, l’inévaluable.

©Daniel Obasi

La modernité est évidente, qui résonne comme un slogan écrit à la peinture : Beautiful Resistance.

Chevelure rouge, fesses nues teintées d’ocre, pieds palmés, une belle aux formes impeccables agite le drapeau nigérian revisité par la fantaisie, comme une façon d’évacuer la dimension réaliste des photographies pour les joies du fantastique existentiel.

Le photographe fait intervenir dans la ville-monstre quelques déités nouvelles, comme pour nous signifier que le travestissement et la réinvention de soi sont les données d’un monde neuf prenant aussi naissance en Afrique.

©Daniel Obasi

La rue est montrée telle qu’elle est, populaire, encombrée, riche de sa pluralité, mais les êtres que photographie en les mettant en scène avec beaucoup de drôlerie l’artiste né à Aba, à plus de six cents kilomètres au sud de Lagos, sont le reflet d’une contemporanéité artistique foisonnante portée par une joie d’’expérimentation envoyant dinguer les représentations passéistes de l’Afrique.

Chez Daniel Obasi, les religions nouvelles s’appellent couleur, imaginaire libéré, théâtre permanent.

Miss Revolution monte sur le podium, en bas résille et justaucorps : les gays ne se cachent plus, portant diadèmes et habits sexy, reines d’aujourd’hui et de demain.

©Daniel Obasi

Par son énergie de création imposant les codes de la culture queer dans une ville de plus de vingt millions d’habitants, Daniel Obasi fait acte politique aussi bien qu’artistique.

« Le titre de ce livre, Beautiful Resistance, explique-t-il à Patrick Remy, désigne bien ce dont il s’agit… Une sublimation de la rébellion conter les systèmes de pouvoir qui continuent d’oppresser les Nigérians et de leur rendre la vie impossible, surtout celle des minorités. »  

Laura Bonnefous, Kilamba, editorial director Julien Guerrier, editor Anthony Vessot, texte et entretien Sylvie Lécallier, Louis Vuitton Fashion, Eye, 2022

https://www.laurabonnefous.com/

Daniel Obasi, Lagos, editorial director Julien Guerrier, editor Anthony Vessot, texte et entretien Patrick Remy, Louis Vuitton Fashion Eye, 2022

©Daniel Obasi

https://www.danielobasi.com/about

https://fr.louisvuitton.com/fra-fr/magazine/articles/louis-vuitton-fashion-eye#

©Daniel Obasi

https://www.leslibraires.fr/livre/20666401-fashion-eye-lagos-daniel-obasi-louis-vuitton?affiliate=lintervalle

https://www.leslibraires.fr/livre/20666983-fashion-eye-kilamba-laura-bonnefous-louis-vuitton?affiliate=lintervalle

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