
©Cyrielle Lévêque
Imprimé à 150 exemplaires, en risographie couleur pour la couverture, Les Joueurs, de Cyrielle Lévêque est le nouvel objet-livre des Editions de l’épair (Grèzes, Lozère), dirigées avec panache par Sandy Berthomieu et Soraya Hocine.
Il s’agit, à partir d’une carte postale symbolisant les vacances, reproduite sur calque et placée sous pochette plastifiée au terme du volume (mon exemplaire montre La Plage Dorée de Sanary-sur-Mer, mais la légende, malicieusement, reproduit un message venu de Barneville, en Normandie), d’entrer dans la déconstruction du pittoresque afin d’entraîner le spectateur vers un territoire plus passionnant encore que les stéréotypes.
Cet espace ouvrant l’image à sa propre altérité pourrait s’appeler le Pays de l’’Estrangement.

©Cyrielle Lévêque
Le procédé consiste, par le choix de vignettes découpées numériquement dans l’image princeps, de construire des points de focalisation différents et d’entrer dans la trame même de la photographie.
Il ne s’agit pas de comprendre un processus savant, mais de se laisser enchanter par l’ailleurs dans le même, et de susciter l’imaginaire du regardeur à partir d’une fiction fixée dérivée appelée « vacances ».
Il fait très chaud, on cherche l’ombre, on devient un atome flottant dans la liquidité du temps.
La banalité du farniente conduit, quand le soleil cogne fort, à la dimension surréelle du présent, peut-être la plus exaltante.
Dans le texte qui accompagne l’ouvrage, Marion Fournier résume : « Cyrielle Lévêque extrait de ses archives familiales des cartes. Elle focalise son attention sur les figures anonymes plutôt que sur les décors ou les lieux. Celles-ci sont mises en scène malgré elles. La carte postale commerciale est décontextualisée. Imprimée en microédition sur calque, l’artiste va au-delà de la photographie, à la recherche de la trame de l’image, devenant couleurs. »
Voilà, rien n’est grave, les guerres n’existent plus, on est un pixel qui chauffe rencontrant d’autres pixels qui chauffent, et promis à la métamorphose.

Cyrielle Lévêque, Les Joueurs, texte Marion Fournier, directrices de la publication et direction artistique Sandy Berthomieu et Soraya Hocine, design éditorial Cyril Dominger, couverture imprimée en risographie par Grégoir Dubuis (Edition La Nef des fous), Les Editions de l’épair, 2022

©Soraya Hocine
En flânant rue Porte de Laure à Arles le 5 juillet 2018, Soraya Hocine a trouvé, à l’intérieur d’une pochette de la marque Agfacolor, vingt-six photographies Kodakolor, « 13 portrait de la même femme et 13 paysages saisis eux aussi en format vertical ».
Ayant décidé de l’appeler Jackie, en référence à la célèbre Jackie Kennedy, la cofondatrice des Editions de l’épair a décidé de faire rentrer cette femme anonyme dans la légende.

©Soraya Hocine
On la voit qui pose, détendue, sur des chemins de montagne, ou contre le bord de la vasque en pierre de grande taille d’un jardin fleuri.
Cette femme impeccablement vêtue, élégante, à la fois simple et sophistiquée, pourrait être ma mère dans les années 1970.
Le charme opère, c’est celui des souvenirs que nous nous construisons et des analogies que nous imaginons.

©Soraya Hocine
Cette femme avalée par le vortex du temps est là, revenue parmi nous.
La photographie est une technique de magie blanche.

Soraya Hocine, 13 fois Jackie, conception, graphisme, reliure de Soraya Hocine, Les Editions de l’épair, 2021 – 50 exemplaires
https://www.facebook.com/leseditionsdelepair
