Islande, l’ordinaire des roches tremblantes, par Michel Eisenlohr, photographe

©Michel Eisenlohr

En Islande, Michel Eisenlohr a ressenti des présences, la force très concrète des légendes, un appel de l’autre monde.

L’auteur de Forts des confins (2020) aime les seuils, les frontières, les points ultimes à partir desquels tout bascule.

Son nouveau livre, Huldufolk, « le peuple invisible »¸ publié chez Arnaud Bizalion Editeur est une approche sans tonitruance, à partir d’une observation calme des paysages, urbains ou naturels, du merveilleux quotidien.

©Michel Eisenlohr

Il y a en effet du mystère en Islande, des roches troublantes séparant des maisons, des signes étranges, les traces d’un univers parallèle.

Pour l’approcher, il faut réouvrir nos sept sens ésotériques, quitter les vanités de la raison raisonneuse, ou être un voyageur doublé d’un enfant aux yeux écarquillés.

Il y a là-bas des formes, une organisation des surfaces, des pierres révérés comme des temples.

On regarde mais on est regardé, par les lutins ou les trolls.

©Michel Eisenlohr

Voici une photographie de Rakkaberg, Djupivogur, dont le cartel, aussi sobre qu’étonnant, précise : « cette falaise de basalte est considérée comme l’église des elfes. »

A chaque image est associée un frament de légende.

La cascade, la grotte, le pan de lave sont chargés de l’imaginaire d’un peuple n’ayant pas éradiqué ses croyances païennes.

Michel Eisenlohr ne cherche pas le spectaculaire, le contraste entre l’espace cadré et les mots qui en explicitent l’intérêt étant souvent saisissant.

©Michel Eisenlohr

Les elfes sont simples, voyez-vous, une modeste cavité peut leur suffire.  

Il y a des rochers en pleine ville, rien de plus normal au pays des sagas glaciaires, et qui parlera d’évidence aux peuples bretons ou gaéliques.

Le soleil se couche, la nuit sera froide et intense, les rêves sont des territoires de liberté ou dialoguer sans peur avec l’invisible.

En postface de ce beau livre aux images élaborées à la croisée du topographique et du poétique, Christophe Pons, chercheur au CNRS-IDEMEC, Aix-Marseille-Université, écrit : « Après la libération de 1944, lorsque les Américains font de l’Islande leur base stratégique en vue de la guerre froide qui s’engage, les huldufolk sont encore là et manifestent leur désapprobation, histoire de rappeler à qui appartient cette terre. En effet, pour construire les pistes de communication et l’aéroport de Kelflavik, les Américains doivent faire exploser des rochers. Or, ceux-ci abritent souvent des huldufolk qui sont tenus pour responsables des pannes à répétition que connaissaient les bulldozers et autres engins américains de terrassement. La moindre portion de route à tracer devient un défi ; les Islandais ne sont pas peu fiers de cette résistance qui oblige les Américains à changer leurs plans, puis à demander l’aide des indigènes. Ceux-ci dépêchent alors leurs médiums comme des émissaires chargés d’intercéder auprès des créatures invisibles, lesquelles acceptent en principe de déménager, mais il fallait tout de même le leur demander, et leur laisser un peu de temps. »  

©Michel Eisenlohr

Photographe des lisières des Alpes, Michel Eisenlohr est désormais aussi le messager bienveillant du peuple des confins nordiques.

Michel Eisenlohr, Huldufolk, texte (français/anglais) Christophe Pons, conception graphique et maquette Emmanuelle Ancona, Arnaud Bizalion Editeur, 2022, 72 pages

https://www.arnaudbizalion.fr/6-photographie

©Michel Eisenlohr

https://www.arnaudbizalion.fr/accueil/162-huldufolk-michel-eisenlohr-9782369801344.html

Exposition en novembre-décembre 2022 à La Chapelle des Pénitents bleus, La Ciotat, et début 2023 au Musée des Arts et Traditions populaires de Draguignan

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