Carnaval, liberté chinoise, par Xiaoxiao Xu, photographe

©XiaoXiao Xu

Il se passe quelque chose du côté des derniers titres des excellentes éditions néerlandaises The Eriskay Connection, comme une sensualité nouvelle, notamment par le travail sur les couleurs, et une progression dans le jeu sur les identités.

Shooting the Tiger, de la Chinoise vivant aux Pays-Bas depuis 1999 Xiaxiao Xu, est un ouvrage consacré au festival traditionnel Shèhuŏ dans le nord-ouest de la Chine.

Il s’agit de s’accorder les faveurs des dieux en les vénérant afin que les récoltes soient fécondes.

Pour cela, les moyens les plus extravagants sont bons, tous de l’ordre du carnavalesque, dans des représentations théâtrales, des processions, des chansons.

On peut songer ici aux séries de l’Indienne Gauri Gill Acts of Apperarance (2015 – œuvre en cours), travail effectué dans le Maharastra auprès de villageois portant des masques à l’occasion de la procession Bohada, où est mis en scène un spectacle durant plusieurs nuits à partir d’un conte mythologique.

©XiaoXiao Xu

Même si se lit ici sur nombre de visages une grande mélancolie, comme s’il l’on assistait à la fin d’un monde, il est réconfortant de se rendre compte que le rouleau compresseur capitalo-communiste n’a pas encore totalement éradiqué les restes du paganisme en son beau pays ravagé.

Dessiné avec beaucoup de soin, Shooting the Tiger est un ouvrage de couverture noire et rose, jusque sur les tranches, presque pop.

Il y a dans le regard de Xu de l’humour, souvent féroce, et un témoignage de la folie douce dans la quotidienneté qui réjouit.

Avec la neige est arrivé le royaume des contes, des empereurs aux atours d’or,

Le rouge est très présent, les guerriers portent des robes colorées, le bruit des tambours et les feux d’artifice feront bientôt fuir les démons.

©XiaoXiao Xu

La photographe parcourt les villages, découvre des symboles, des costumes, des pratiques qui, pour être locales, n’en sont pas moins universalisables par la puissance de l’imaginaire qu’elles convoquent.

On se maquille, on prépare les habits de fête, les chevaux en carton.

La gravité est omniprésente, comme si les rites devaient être accomplis, pour être efficaces, avec le plus grand sérieux.

En fin d’ouvrage, les masques sont reproduits, accompagnés de légendes en donnant la signification.

Mais, même si le sens est révélé, tout reste étonnant, comme le surgissement d’un monde que nous avons perdu et dont il ne reste çà et là sur la planète que quelques confettis salis par les intempéries et le souffle méphitique de l’Histoire.

Il y a de la résistance dans les cérémonies grimées, et dans les couleurs éclatantes alors que tout est désormais si gris.

©XiaoXiao Xu

Dans notre monde devenant si plat et infernal, le carnavalesque, ancré dans un héritage, n’est-il pas l’une de nos dernières chances de nous désensorceler de l’esprit de calcul ?

Shooting the Tiger exprime la liberté des ultimes héros de la culture populaire, orale et jaillissante de fantaisie.

Xiaoxiao Xu, Shooting the Tiger, texte Maria-Caterina Bellinetti, design Rob van Hoesel, The Eriskay Connection (Breda), 2022 – 1000 exemplaires

https://www.eriskayconnection.com/home/119-shooting-the-tiger.html

https://xiaoxiaoxu.com/

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